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Le Billet de Nicole Guedj

On a fermé la porte à midi, comme si nous partions déjeuner

J’avais 6 ans à l’époque. C’était le départ de mon pays natal et de ma ville Constantine. Nous sommes partis en mai 1962, très tardivement, à une période où la présence des Français devenait très périlleuse. Mon père avait voulu rester le plus longte

mps possible pour garantir le départ d’une jeune fille de notre entourage qui était « incapable », dans le sens juridique du terme, et que son tuteur avait abandonné. Il a pris le risque d’attendre de pouvoir régulariser sa situation et la rapatrier avec nous. Mes parents n’ont prévenu personne de notre départ, ont fermé la maison à midi, comme si nous partions déjeuner, pour en réalité, avec ma petite sœur et moi, quitter le pays pour toujours…

C’était un déchirement. Mes parents étaient commerçants. Ils avaient en Algérie une vie agréable, ensoleillée, dans un pays qu’ils n’avaient jamais imaginé quitter. « Ils ont tout laissé », comme on dit, pour prendre le bateau vers Marseille. Je me souviens d’une traversée très nauséeuse… Moi, du haut de mes 6 ans, j’ai vécu ce départ comme une perte de mes jouets et de mes amis, peut-être, mais aussi et surtout comme une incroyable aventure. Les images qui m’en restent sont plus épiques que tragiques.

Je suis retournée dans mon pays natal une fois, en 2006, à l’invitation du président Abdelaziz Bouteflika, et à la demande du président de la République Jacques Chirac. Ce dernier m’avait chargée de contribuer à la préparation d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, qui n’a d’ailleurs jamais été signé. Lorsque je suis arrivée à Alger, le président Bouteflika m’a également offert la possibilité de me rendre à Constantine. J’ai décliné cette invitation, souhaitant faire ce pèlerinage avec mes parents. De fait, ni mes parents ni moi ne sommes encore retournés à Constantine, mais je ne désespère pas de le faire un jour !

En attendant, à chaque nouvel an, je partage en famille et avec quelques amis les dattes que le président Bouteflika me fait livrer, avec quelques bouteilles de vin d’Algérie et la fameuse « cuvée du Président ».

J’ai gardé une affection pour mon pays natal. J’ai en France beaucoup d’amis algériens. Je rencontre régulièrement l’ambassadeur d’Algérie en France, avec lequel je partage des moments d’amitié.

Nous formons, avec tous les natifs de Constantine, une grande famille avec laquelle je me sens très liée.

Lorsque j’ai été nommée ministre en 2004, c’est d’Algérie que j’ai reçu de très nombreuses manifestations de sympathie et d’encouragement, plus précisément de la part de Constantinois que je ne connaissais pas. Ils m’ont dit leur fierté qu’une Constantinoise accède à de telles responsabilités : devenir ministre d’un gouvernement français !

Ce sont des messages que je n’oublierai jamais, qui m’ont d’autant plus touchée qu’une guerre nous avait séparés.

 

Nicole Guedj

Ancien ministre

Président de la Fondation France Israël