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Littérature

Des livres et des lettres

La rentrée littéraire est aussi attendue que le Beaujolais nouveau. Et pour cause, pas moins de 646 romans français et étrangers se disputent les faveurs des lecteurs, des critiques et des prix d’automne. Une saison sous le signe des soucis sociaux et intimes.

Chaque année, une flopée de romans assaille les librairies et bouscule les lecteurs, qui ne savent plus où donner de la tête. Face à cette avalanche, on est en mesure de se demander par quoi commencer. Voici les livres qui alimentent la rentrée. Amélie Nothomb est fidèle à cette tradition typiquement française. Elle remanie le conte de Barbe bleu (Albin Michel) à une sauce qu’elle applique depuis vingt-et-un ans de succès. Autre figure mythique, Alexandre le Grand ravivé par la plume poétique de Laurent Gaudé (Actes Sud). Patrick Deville (Seuil) n’hésite pas, quant à lui, à replonger dans les affres de la peste et du choléra. Puis, il y a les incontournables : Pascal Quignard, Patrick Modiano, Philip Roth ou Jean Echenoz. Deux tendances s’opposent, ceux qui sont tournés vers le monde et ceux qui préfèrent scruter leur monde intérieur. Très attendu, Laurent Binet (Grasset) – qui avait signé HHhH – suit la dernière campagne électorale, côté camp Hollande. Fabrice Humbert (Le Passage) décrit les ravages de la drogue, alors qu’Amin Maalouf (Grasset) et Mathias Énard (Actes Sud) reviennent sur les bouleversements du monde arabe. Trait d’union entre les deux courants, Olivier Adam (Flammarion) décrie la société française tout en sombrant dans l’âme d’un homme, à la lisière de lui-même. Habituée à susciter la polémique, Christine Angot (Flammarion) révèle à nouveau l’horreur de l’inceste dans un texte sanglant. La manipulation et la pédophilie sont aussi au cœur du roman Margaux Fragoso (Flammarion). L’amour est tiraillé de toute part, que ce soit chez Florian Zeller (Gallimard) – qui compare la crise du couple à celle de l’Europe – ou Tahar Ben Jelloun (Gallimard) qui imagine le déchirement d’un duo, d’un point de vue féminin et masculin. Sans parler de la rupture, brillamment disséquée par Santiago H. Amigorena (POL), ou l’usure vécue par Nicolas Le Golvan (Flammarion).

Confirmations et révélations

Les premiers romans constituent la meilleure surprise. Si Aurélien Bellanger (Gallimard) analyse la société par le prisme de la technologie, Lancelot Hamelin (L’Arpenteur) retrace le destin d’un trio amoureux sur fond de guerre d’Algérie. Makenzy Orcel (Zulma) et Carole Fives (Le Passage) donnent la parole aux oubliés. Lui aux prostituées, après le tremblement de terre d’Haïti, elle aux enfants du divorce. Chez les étrangers, la manne est riche avec des écritures et des sujets variés. Si la Nobel américaine Toni Morrison (Bourgois) continue à dénoncer la ségrégation raciale, l’Indien Tarun Tejpal (Albin Michel) décortique les rouages qui mènent à l’extrémisme religieux. Michael Ondaatje (L’Olivier) – qui avait signé Le Patient anglais – décrit en douceur un souvenir d’enfance, déclencheur de sa vocation d’écrivain. Coup du destin oblige, Salman Rushdie (Plon) se penche sur le chemin qui la conduit de la fatwa à aujourd’hui. Une autre façon d’interroger le pouvoir littéraire. Ce même souci émane aussi de la compilation de conférences du Nobel turque, Orhan Pamuk (Gallimard). Bon nombre de récits ou de romans sont sensibles à la thématique juive. L’histoire d’Israël est revisitée par Avraham B. Yehoshua (Grasset), qui imagine la rétrospective artistique et existentielle d’un cinéaste vieillissant. Yoram Kaniuk (Fayard) aborde un épisode plus précis, la Guerre d’Indépendance de 1948, au cours de laquelle il a été blessé. De son côté, Gwenaëlle Aubry (Mercure de France) s’attache à comprendre le conflit israélo-palestinien à travers le regard de deux jeunes filles. Une nouvelle plume israélienne fait son apparition, Ronit Matalon (Stock). Elle s’insinue dans l’étouffement familial. C’est l’histoire des siens que tente de saisir Colombe Schneck (Grasset). Les fantômes et les vivants trouvent leur apogée chez Isaac B. Singer, qui sera d’actualité le mois prochain. L’Arche reviendra bien entendu sur ses multiples voix. À suivre…