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France

L’UEJF se mobilise sur la question Rom

Président de l’Union des Etudiants Juifs de France depuis maintenant un an, Jonathan Hayoun se mobilise aujourd’hui pour la défense des droits des gens du voyage. Il se confie sur ce combat à l’Arche.

 

L’Arche: Jonathan Hayoun, en tant que président de l’UEJF, vous prenez aujourd’hui position pour la défense de la population Rom. C’est un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?

Jonathan Hayoun: La population Rom et les gens du voyage sont stigmatisés, victimes de discriminations. Récemment, ce sont des habitants de Marseille qui se mirent à chasser des Roms. Cela impose de prendre la parole, et de réfléchir à des actions pour mettre un arrêt à ce type de manifestations. Il faut faire avancer l’égalité des droits. Les gens du voyage ont aujourd’hui encore en France un statut inférieur, différent de celui des autres citoyens français.

Avec SOS Racisme et l’Union Française des Associations Tsiganes notamment, vous avez demandé au Conseil Constitutionnel d’abroger la loi française du 3 janvier 1969, qui porte sur les gens du voyage. Pourquoi cette démarche ?

Cette loi oblige les gens du voyage – qui sont des gens français, avec un passeport français – à posséder, s’ils veulent évoluer sur le territoire français, un « carnet de circulation », un passeport particulier. Leur statut leur impose aussi des obligations et des devoirs, des droits moindres. Ils ne peuvent notamment pas voter pendant trois ans lorsqu’ils changent de commune de rattachement… Cette privation du droit de vote est quelque chose de discriminant et insensé en France. Un des derniers statuts discriminants d’une population, d’un groupe de personnes sur notre territoire ! Autre exemple, il faut savoir que par commune de rattachement il y a un quota, il ne peut pas y avoir plus de 3% de gens du voyage dans telle ou telle commune. Si cela s’appliquait à n’importe quelle autre catégorie de Français, on se serait insurgé avec beaucoup plus de virulence… Le Parti Socialiste avait d’ailleurs proposé d’abroger ce texte depuis de nombreuses années, il y avait même eu une proposition de loi dans ce sens il y a deux ans. Mais à l’heure où je vous parle, ces dispositions ne sont toujours pas abrogées. On espère qu’aujourd’hui le Conseil Constitutionnel prendra la décision de considérer cette loi comme anticonstitutionnelle. Si ce n’est pas le cas, on attendra que l’Assemblée Nationale soit une nouvelle fois saisie d’une proposition de loi qui ferait avancer l’égalité dans notre pays.

Justement, le gouvernement précédent avait été beaucoup critiqué sur ce dossier des Roms. Aujourd’hui que le PS est au pouvoir, voyez-vous une évolution de la situation ?

Les préjugés anti-Roms ne sont pas aujourd’hui agités comme ils pouvaient l’être à l’été 2010. Personne au pouvoir n’utilise la stigmatisation de cette population-là. En revanche, on retrouve la même pratique d’expulsion sans proposition de relogement, et cela est inquiétant, c’est là un point commun que l’on peut trouver entre la politique menée par Manuel Valls et celle menée par l’ancien gouvernement. Mais on peut quand même saluer l’absence de propos discriminants, qui marquent une différence avec ce que pouvait dire Brice Hortefeux, ou avec le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy.

L’UEJF vient également de porter plainte contre Jean-Marie Le Pen, pour des propos qu’il a tenus sur les Roms…

Nous avons en effet déposé une plainte contre le président d’honneur du FN puisqu’à l’université d’été à la Baule, il y a maintenant une semaine de cela, Jean-Marie Le Pen a qualifié les Roms de voleurs. « Tout comme les oiseaux, ils volent naturellement » a-t-il déclaré, pour reprendre son propos exact. Il utilise l’humour comme il a su le faire à de très nombreuses reprises, mais pour une nouvelle fois porter une parole raciste, qui peut inciter à la haine voire à la violence à l’égard des Roms, puisque dans leur essence même, dans leur origine, ils sont qualifiés de délinquants, de personnes incapables de respecter la loi de notre pays. Quand on sait qu’il y a encore quelques jours, des citoyens de leur propre chef décidaient de vouloir s’en prendre violemment à des Roms dans la région de Marseille, on voit que ces propos sont doublement dangereux. C’est pourquoi face à ceux qui veulent faire croire que les Roms de par leur origine ne respectent pas la loi française, nous rappelons que c’est Jean-Marie Le Pen qui, dans ces propos, ne la respecte pas…

Diriez-vous qu’en tant que Juif le sujet vous touche particulièrement ?

Il me touche à plusieurs titres. Les gens du voyage sont des français qui ont un statut à part dans notre pays. On sait que les Juifs ont dû attendre 1791, quelques années après la révolution française, pour avoir la citoyenneté française et donc obtenir leur émancipation. Eh bien les principes républicains, l’esprit des lumières, l’esprit de la révolution française, ne seront pas totalement respectés tant que les gens du voyage resteront dans un statut différent. En réalité, les Juifs et les Roms sont deux groupes de personnes qui connaissent la discrimination, même si ce sont bien sûr deux cas différents. On voit un groupe de personnes errantes, persécutées sur l’ensemble du territoire européen… quand on est un Juif et que l’on connaît aussi les persécutions, on peut être particulièrement touché que cela touche un autre peuple, dans des pays qui sont censés respecter les droits de l’homme.

Vous êtes l’un des collectifs qui appellent ce dimanche à une « Roma pride », de quoi s’agit-il ?

C’est une marche pour la dignité de tous, plus particulièrement celle des voyageurs et des Roms. C’est un moment où face à ceux qui utilisent les préjugés, les discours stigmatisants, nous proposons de partager un temps d’échange citoyen autour des cultures gitanes, tziganes, Roms, ou des gens du voyage. Il y a au programme un grand concert place du Panthéon à 14h ce dimanche, animé par le metteur en scène Tony Gatlif, haut personnage de la culture tzigane. Ce moment festif doit nous permettre de nous retrouver pour porter encore plus haut et fort nos revendications.