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Israël

Jérusalem, le temps des interrogations

Le sacré et le profane. Le religieux et le laïc. La pierre et la lumière. La passion et la ferveur. Autant de titres entre lesquels nous avons hésité pour ce dossier consacré à Jérusalem et qui ne répond à aucune actualité particulière, aucun désir d’imiter nos confrères (le magazine Time, la revue Historia, le hors-série du Point ou le numéro de Géo…), rien d’autre que notre envie de célébrer une ville que nous aimons à travers sa mémoire, son histoire, son évolution, ses antagonismes.
Jérusalem, c’est d’abord une ville somptueuse. Avec sa pierre rose, sa lumière singulière, sa gravité, ce « sérieux » caractéristique des habitants de la ville sainte, allié à une certaine gaieté qu’on retrouve si bien dans Le bouquet séfarade d’Itzhak Navon, ou dans les chansons de Yehoram Gaon, l’un et l’autre si typiquement hiérosolymitains.
Ce sont des lieux, des paysages, des quartiers. C’est la rue Agrippa et la rue des Prophètes autour du marché de Mahané Yehuda, avec ses coins retirés, ses énormes cours, ses ravissants patios. C’est le quartier de Yémine Moshé, autour du moulin de Moses Montefiore, avec des ruelles en lacets et ce petit coin de paradis si bien nommé « Michkénot Shaananim » (ces « résidences tranquilles » où ont séjourné tant d’écrivains couronnés par le prix Jérusalem : Philippe Roth, Mc Ewan, Semprun, Milan Kundera, Simone de Beauvoir…)
Nous gardons à l’esprit qu’elle reste une ville de passion et de mémoire (on lira utilement l’entretien avec le maire Nir Barkat, le reportage dans un « think tank » où s’élaborent tous les scénarios d’une coexistence à venir, et l’analyse personnelle d’Alexandre Adler sur les lieux saints juifs, chrétiens et musulmans) mais c’est d’abord à la Jérusalem quotidienne, celle qui attire tant de touristes de toutes les confessions, de pèlerins et d’amoureux que nous avons voulu rendre ici l’hommage qu’elle mérite.
L’opération « Pilier de défense » opposant Israël et le Hamas à la fin du mois de novembre dernier, s’est terminée par un cessez-le-feu. On peut en tirer quelques leçons et poser quelques questions.
Les leçons, c’est que la retenue manifestée par Israël et sa décision de ne pas entreprendre d’offensive terrestre, avec les risques que cela comportait, étaient sages. Le rôle tenu par l’Égypte de Mohammed Morsi, l’engagement de Mme Hillary Clinton, les contacts indirects avec le Hamas, et même l’amélioration des conditions de vie à Gaza… tout cela est à mettre au crédit du gouvernement israélien, même s’il faut attendre de voir les débouchés politiques avant de se prononcer. Et aussi l’évolution du débat interne en Israël même, à la faveur de la campagne électorale, puisqu’aussi bien ce pays passe-t-il sans transition d’une unité manifestée devant l’épreuve à la confrontation qui est la règle de toute démocratie.
Les leçons, c’est aussi que contrairement à d’autres opérations de ce genre, à Gaza ou au Liban, les réactions diplomatiques, la « couverture » médiatique, ont été cette fois moins unilatérales. Il ne fait certes pas de doute que si les affrontements avaient duré plus longtemps, on n’aurait pas manqué de voir resurgir les anathèmes habituels.
En attendant, il n’est pas interdit de soulever quelques interrogations. Celles-ci par exemple :
Pourquoi cette liesse à Gaza ? Pourquoi ces débordements de joie ? Qu’y avait-il à fêter ? Quelles victoires ?
Pourquoi le Hamas, qui dispose de suffisamment de moyens pour acquérir toute une panoplie de roquettes et de lance-roquettes, n’a-t-il pas fait construire des abris pour protéger
sa population ?
Pourquoi en revanche la nomenklatura militaire et politique ne s’est-elle pas montrée pendant toute la semaine ? Est-elle restée, elle, sous les abris ?
Pourquoi, pour quelle raison obscure, en vertu de quelle logique, par quelle aberration les Verts et le Parti communiste français se retrouvent-ils aux côtés des islamistes du Hamas ?
Pourquoi, comment des intellectuels de gauche, anciens résistants reconvertis dans l’indignation à trois euros, se sont tus après avoir fait le voyage à Gaza et en avoir rapporté des sornettes ?
Par quelle association étrange, quel glissement bizarre, des féministes plutôt sympathiques se découvrent-elles des accointances du côté des défenseurs d’une charia pure et dure ?
Autant de questions innocentes que l’on est en droit de se poser au lendemain de cette guerre des huit jours qui a opposé Israël et le Hamas et qui s’est achevée par une trêve obtenue grâce aux bons offices de l’Égypte et des États-Unis. Une trêve qui durera ce qu’elle durera, mais qui ne règle rien, chacun l’a bien compris.