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Cinéma

De l’art de parler d’un temps qu’une révélation de 20 ans nous fait connaître.

Les représentations et d’identifications du personnage Victor à celui de Doisnel accompagnent l’histoire et l’ambiance de Télé Gaucho, le film de Michel Leclerc. Depuis sa sortie, nous lisons avec amusement les fantasmes d’un autre personnage de la série de Truffaut, Madame Tabard, exprimés en interview par des journalistes à l’égard d’une grande révélation cinématographique de cet hiver : Félix Moati. Pour quelle raison le personnage qu’il incarne s’identifie-t-il à Doisnel ? Une prétention cinématographie ? Une admiration sirupeuse ? Non. Juste une envie de partager avec les spectateurs une des qualités les plus rares du monde artistique contemporain : le surréalisme. Celui qui ne cherche pas à savoir si les limites de la liberté d’expression sont valables, si les codes artistiques et professionnels sont respectés et respectables. Il hésite sur la façon de s’adresser à ceux qui l’observent, tutoyant avec gène la caméra.

Télé Gaucho est surtout une invitation au voyage où les frontières, très poreuses à l’imaginaire, sont en constante évolution. Dépendant de la volonté de rencontres des personnages dans le film, du héros et de ceux qui bouleverseront le reste de ses certitudes. Et l’amour naîtra au milieu des cendres ou du moins de ce qui les entoure, comme le magasin de pierres tombales qui accueille la rencontre entre Victor et Clara (Sara Forestier). L’inspiration viendra du choc des cultures télévisuelles, aux côtés de Patricia Gabriel (Emmanuelle Béart) d’un côté et Jean-Lou (Eric Elmosnino) et Yasmina (Maïwenn) de l’autre. Sans parler de tous ces merveilleux personnages « secondaires » virevoltant autour, dont le cinéma de l’époque de Gabin prenait grand soin.

Des critiques verront dans ce film une simple ode à la télé libre qui récupéra l’esprit des radios libres régnant de la fin des années 70 à la fin des années 80, lorsque l’émission Lune de Fiel cessa d’émettre. Car au-delà des contextes sociaux, des messages politiques, il s’agit d’une capacité à refaçonner un monde avec des moyens technologiques d’occasion et deux pancartes en carton. Avec cet inattendu combattu sur le petit écran depuis quelques décennies : le vertige du direct, qui n’est plus celui programmé lorsqu’elle osent encore, par les chaines principales, mais cette menace constante par ceux qui sont perçus comme une armée de saltimbanques.

La qualité première d’un personnage de la lignée de Doisnel est d’imposer à des personnages plus expérimentés que lui de s’ouvrir à l’inattendu et de saluer des destins insoupçonnables. Même s’il s’agit d’une simple interruption de programme sur une grande chaîne télé par les animateurs de Télé Gaucho, ce petit moment partagé et dont Victor sera le contributeur principal justifiera tous ses choix curieux, ses non-dits et le conduira à partager et encore partager, dans une époque où la caméra remplace le pavé et n’est pas encore un objet voué à divertir entre les coupures publicitaires.

Fans de Peter Sellers, Andy Kaufman, Sacha Baron Cohen et des autres surréalistes des petits et grands écrans, dépêchez-vous de voir le film de Michel Leclerc qui est déjà sorti il y a quelques semaines, avant de devoir vous référer à une autre citation du père de Doisnel : « Je n’aimerais pas voir un film pour la première fois en vidéo ou à la télévision. On voit d’abord un film en salle. Cinéma et vidéo, c’est effectivement la différence entre un livre qu’on lit et un livre qu’on consulte. »

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