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Cinéma

La Promenade des cinéastes

Hélène Schoumann, avec son Dictionnaire du cinéma israélien, nous offre un ticket d’entrée dans l’histoire du cinéma israélien. Passer la porte et choisir le siège dans une salle et les souvenirs émotionnels qui s’y échangèrent. Une manière de piocher dans les époques, les films et acteurs qui nous accompagnèrent ou qui attendent encore patiemment une nouvelle projection. Rendre les mains moins innocentes en les familiarisant avec les rayons de DVD d’un cinéma qui évolue dans tous les sens mais dont les origines et raisons sont aussi intéressantes.

Votre livre reflète avant tout une grande quantité de travail. Quelles en furent les motivations ?

La première, c’est qu’il faut rendre ses lettres de noblesse et Charlie, auprès de qui je me suis beaucoup investie. Le Festival m’a permis de faire beaucoup de rencontre. Sur Judaïque Fm, ensuite, où au fil de mes émissions du lundi consacrées au cinéma j’ai pu suivre son développement. La troisième, c’est la découverte, avec une émotion folle, d’un lieu que j’adore et que je sponsorise : le Festival du Film International de Jérusalem. Tous les soirs, pendant deux semaines, on y découvre des films et des documentaires israéliens. Je sponsorise d’ailleurs également le site du Festival, au nom de mon père, qui aimait beaucoup le cinéma.

Il y a également une rencontre importante, à qui vous dédicacez le livre.

Oui, Perry Kafri, une de mes meilleures amies et surtout un des plus grands agents du cinéma israélien, l’équivalent local d’Artmédia. Cela m’aida à rencontrer des acteurs et des metteurs en scène, dont nombreux sont devenus mes amis. Au bout d’un moment j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de livre en France sur le cinéma israélien en dehors de celui d’Ariel Schweitzer, qui est un intellectuel. Personnellement, je désirais écrire un dictionnaire amoureux à ce cinéma, à ce pays et à ses gens. Le livre n’est pas écrit comme un dictionnaire ou une encyclopédie. J’ai dessiné les gens selon mon cœur. En racontant mes rencontres avec Ronit Elkabetz, Moshé Ivgy, Moni Moshonov… je souhaitais que ce livre s’adresse au grand public. Il devait donc être un beau livre, avec des photos de films et de personnes. Avant, quand on parlait de cinéma israélien, cela se limitait souvent à Amos Gitaï. Lequel est connu pour ne pas faire des films très faciles.

Dans votre livre, on a l’impression de pouvoir piocher dans les époques, les films…

C’est exactement ça. Je n’émets pas de jugements. J’avais juste envie de présenter chacune de ces pierres qui constituent l’édifice du cinéma israélien. Lequel montre tant de choses sur la société israélienne, depuis les vagues successives d’Ephraïm Kishon, du cinéma borékas, Uri Zohar, Assi Dayan… Je présente donc une chronologie croisée de grands films israéliens et des rencontres qui composent ces portraits. Ce n’est pas un livre de cinéphile, mais d’amoureuse d’Israël. Cette langue et ceux qui la parlent font partie de ma famille.

On ressent la dimension très personnelle de l’œuvre.

Jusqu’à l’âge de douze ans et demi, on m’éleva en noir et blanc. Mon grand-père, qui était un survivant de la Shoah, était électricien à Auschwitz. Il a perdu sa fille de douze ans qui se nommait Hélène. Je porte donc son nom. L’atmosphère familiale n’était pas très joyeuse à la maison. Heureusement que mon père, sépharade, était issu d’un autre contexte, mais il n’avait pas trop le droit à la parole. J’étais en quelque sorte le cadeau fait à ce grand-père. Lorsque vint le moment de faire ma bat-mitsva, j’ai dit à mon grand-père que je souhaitais aller à Auschwitz. Il m’a répondu que je n’irais pas à Auschwitz, mais en Israël. D’un monde en noir et blanc, j’ai été propulsée dans un monde lumineux, plein de soleil. Le premier homme qui apparu à ma descente d’avion ressemblait à Mike Brant, la chemise ouverte avec une énorme maguen david. Cet homme-là, je le recherche dans tous les films. Le cinéma israélien, c’est aussi ça, comment mon monde a basculé d’un monde en noir et blanc à un monde en couleurs.

Y a-t-il certaines rencontres qui ont été très particulièrement surprenantes ?

Avec les acteurs et metteurs en scène, sans aucun doute, mais avec le public aussi. Lors d’une tournée en Israël, où Olivier Rubinstein m’invita à présenter le livre, j’ai fait de belles rencontres avec la profession et le public. Le livre est sponsorisé par le Israel Film Fund, l’équivalent du CNC, qui a trouvé l’ouvrage extraordinaire. L’accueil a été au-delà de ce que je pouvais imaginer. Surtout que ce livre n’est pas le fruit d’une envie de gloire mais d’un besoin après toutes ces années à rencontrer ceux qui constituent l’univers du cinéma israélien.

Et en France ?

Dans la communauté, il a été très bien relayé, à Paris comme en régions. Amos Gitaï m’a dit qu’il était ravi que ce livre n’était pas communautaire, mais adressé au grand public. Mais dans la presse nationale, curieusement, quasiment rien. Pourtant en tant que journaliste, je connais beaucoup de monde. Je pense qu’aborder des sujets liés à Israël n’est pas toujours évident lorsqu’ils ne sont pas politiques. Dans le monde anglophone, la réception aurait été très différente. En France, cela ne risque pas de s’arranger.

Hélène Schoumann, Dictionnaire du cinéma israélien. Préface de Jérôme Clément. Editions Cosmopole, 36 Euros.