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France

Oser le dire et accepter de l’entendre

Victimes d’une double violence, physique tout d’abord, puis psychologique par le refus d’autrui d’entendre leurs souffrances, ces femmes disposent aujourd’hui d’une possibilité de briser le silence et la mise en condition qui le commande. Rencontre avec Nicole Silber, de l’Association Noa Oser le dire.

Est ce que la violence conjugale concerne un milieu socio-culturel particulier ?

Il est très difficile de stigmatiser un type de population. Elles ont en majorité moins de 60 ans, et n’ont généralement pas d’autonomie financière. Comme c’est une ligne d’écoute juive, nous avons des femmes religieuses mais cela touche toutes les catégories socioprofessionnelles. Aucune société, aucun groupe d’individus n’est à l’abri. Ben Gourion avait dit que le jour où il y aurait des voleurs, Israël serait alors un Etat à part entière !

Par rapport à la moyenne française, où se situent les violences conjugales dans la communauté juive ?

Les violences conjugales au sein de la communauté juive correspondent à la moyenne nationale. Les femmes juives sont plus réservées, elles ont beaucoup plus de mal à en parler que dans d’autres religions. Cette difficulté repose sur le fait que c’est un milieu où tout se sait rapidement au sein des communautés. Très souvent, les femmes ont honte de parler.

Concrètement, combien d’appels recevez vous par jour en moyenne ?

L’année dernière nous avons reçu 120 appels, et depuis 2007, année de création de Noa, cela fait un total de 700 appels. Pourtant, je suis certaine qu’il y en a encore beaucoup qui n’en parlent pas. Il arrive également que des mères, sœurs ou amies de femmes victimes de violence nous appellent.

Qu’attendent les victimes des violences conjugales lorsqu’elles appellent Noa ?

Les femmes nous posent des questions qui nous permettent de les orienter. Certaines appellent pour avoir une écoute et parler à quelqu’un. Celles qui arrivent à s’en sortir, et à quitter le domicile sont très courageuses et ne sont malheureusement pas très nombreuses. Certaines sont prêtes au divorce, on leur donne des coordonnées d’avocats. D’autres souhaitent avoir une médiation conjugale alors on les oriente. Il arrive également que l’on soit confronté à des femmes qui veulent porter plainte. Il faut bien comprendre que ces femmes sont face à de lourdes difficultés matérielles et financières, et doivent se réinsérer dans la vie avec un ou plusieurs enfants. C’est pour cela que nous travaillons en collaboration avec la fondation Casip Cojasor et l’OSE pour les violences qui touchent aux enfants. Il arrive parfois qu’au dernier moment de la procédure prise en charge par le Casip Cojasor, qu’à la dernière étape du dossier, une femme décide de retourner chez son mari.

Et en marge de l’écoute téléphonique, quelles actions menez-vous pour ces femmes ?

Nous allons à la rencontre des rabbins, des chefs de communauté. Nous avons organisés une formation destinée aux jeunes rabbins, de 4 jours, afin de les sensibiliser. Les rabbins ne sont pas suffisamment à l’écoute de ces problèmes et ont tendance à minimiser les enjeux. Certains en ont pris conscience mais ils sont minoritaires. Ils essaient parfois de convoquer le mari.

Estimez-vous que certains préceptes de la religion sont misogynes ?

Dix fois oui ! Cela me parait complètement anormal qu’une femme doive attendre 10 ans le bon vouloir de son mari pour pouvoir se remarier religieusement ! Le manque de considération de la femme dans la religion juive est frappant. Je ne me considère pas féministe, car le terme a un côté péjoratif. Mais je suis pour la parité et pour une égalité des femmes et des hommes dans le travail. L’autonomie financière est un principe fondamental. Par ailleurs, certaines femmes nous contactent car elles sont victimes de la violence de leur mari engendrée par la période de la niddah (durant laquelle la femme considérée comme impure). Nous recevons aussi beaucoup d’appels relatifs au problème du Gett (le document d’approbation de l’homme qui permet au couple de divorcer). C’est au bon vouloir du mari, la femme ne peut rien faire. Dans certains cas, le rabbin refuse que le fidèle monte à la Torah tant qu’il ne l’a pas donné.