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Cinéma

Scarlett Johansson fait des bulles

L’actrice américaine Scarlett Johansson, « la femme la plus sexy du monde » selon le magazine masculin Esquire, se trouve soudain mêlée, sans l’avoir au préalablement planifié, à la polémique liée aux implantations israéliennes en Cisjordanie.

 

A l’occasion de la diffusion du SuperBowl XLVIII (la 48ème finale du championnat de football américain), dimanche 2 février sur la chaîne américaine Fox, la société SodaStream a tourné un film publicitaire avec pour vedette la star hollywoodienne. Pendant une trentaine de secondes, Scarlett Johansson vante le produit de SodaStream : un appareil domestique permettant de gazéifier de l’eau, tout en offrant l’opportunité d’ajouter différentes saveurs à la boisson. La version originale de la publicité a été censurée par le réseau de télévision CBS, à cause de la dernière phrase prononcée par l’actrice : « Désolée pour Coca et Pepsi » ; elle a été remplacée par une nouvelle version omettant cette remarque. Mais, déjà plusieurs jours avant sa diffusion officielle, le film publicitaire est devenu viral sur Internet.

Il a aussi très vite attiré l’attention des sympathisants du mouvement BDS – Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Ces activistes appellent notamment à isoler économiquement Israël et à boycotter les produits israéliens manufacturés en Judée et Samarie ; leur but consiste à faire pression sur l’Etat hébreu pour qu’il « mette fin à l’occupation et à la colonisation, cesse les discriminations envers les Palestiniens et respecte la mise en œuvre du droit au retour des réfugiés palestiniens ».  C’est que SodaStream est une société israélienne, et que l’une de ses usines se trouve dans l’implantation juive de Maale Adumim, dix kilomètres à l’est de Jérusalem. L’usine de Mishmor Adumim emploie 1300 personnes, dont 500 Arabes palestiniens vivant dans l’Autorité Palestinienne et à Jérusalem-Est, 450 Arabes israéliens et 350 Juifs israéliens.

Une pluie de critiques s’est alors déversée sur l’actrice de Lost in Translation. Des photomontages la dépeignant sirotant un soda devant des palestiniens derrière des barrière ont fusé sur le Net. La pulpeuse jeune femme de 29 ans a ainsi désiré défendre ses positions dans un article publié dans le Huffigton Post. Elle y précise notamment qu’elle soutient « la coopération économique et les interactions sociales entre un Etat d’Israël démocratique et la Palestine ». Elle ajoute également que « SodaStream s’est engagée à construire un pont pour la paix entre Israël et la Palestine, en encourageant les salariés à travailler ensemble, et en leur fournissant des salaires et des droits égaux ».

Or Scarlett Johansson était également l’ambassadrice officielle d’Oxfam, une ONG affirmant « lutter contre la pauvreté et les injustices ». Dans une lettre ouverte datée du mardi 28 janvier, le comité palestinien du BDS a expressément demandé à Oxfam de rompre ses liens avec l’actrice, au prétexte de « son soutien aux implantations illégales israéliennes en territoire palestinien occupé ». Deux jours plus tard, Oxfam annonçait « accepter la décision de Scarlett Johansson de mettre un terme au rôle d’ambassadrice qu’elle assumait depuis huit ans ».

Les ouvriers palestiniens de l’usine de Mishmor Adumim se trouvent quant à eux bien éloigné de cette polémique. Certains ignorent l’existence même de la star hollywoodienne. L’essentiel d’entre eux considèrent l’usine comme une aubaine, la structure leur fournissant un emploi stable. La société SodaStream est par ailleurs réputée pour ses bonnes conditions de travail et ses salaires particulièrement élevés pour la région. Pour le PDG de la société, Daniel Birnbaum, l’usine de Mishmor Adumim (l’une des vingt-cinq usines opérées dans le monde par SodaStream) constitue une grande source d’ennuis. Afin de pallier ce problème, Birnbaum envisage de déménager l’établissement dans le désert du Néguev, au désespoir des ouvriers palestiniens actuels. La nouvelle usine sera située près de la ville bédouine de Rahat, qui enregistre un fort taux de chômage.

SodaStream était particulièrement à la mode dans les années 70 et 80 au Royaume-Uni, le pays où l’appareil a été conçu, avant de se faire racheter en 1998 par la société israélienne Soda Club. Les machines SodaStream sont aujourd’hui distribuées dans plus de quarante pays. Si Scarlett Johansson a accepté d’incarner le visage de la marque, c’est parce qu’elle « utilise SodaStream depuis cinq ou six ans déjà », mais surtout parce qu’elle « déteste le gâchis de bouteilles en plastique » associé à la consommation de sodas. L’entreprise s’est en effet donnée, ces dernières années, une image de protecteur de l’environnement. «Je n’ai jamais voulu être la figure d’un quelconque mouvement social ou politique dans le cadre de mon contrat avec SodaStream, explique Scarlett Johansson. Oxfam, à l’opposé, s’est affichée comme une organisation activiste dotée d’un agenda politique, et non plus comme une association luttant simplement contre la pauvreté.