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Eté 14 : les derniers jours de l’ancien monde

Cet été, le 4 août exactement, cela fera 100 ans que la Première Guerre Mondiale aura commencé. Aussi inattendue que meurtrière, on s’interroge encore aujourd’hui sur les raisons qui ont poussé l’Europe à s’embraser et à pousser des millions d’hommes à s’entretuer dans ce qui est considéré très vite comme une véritable boucherie. Cet affrontement prévu pour durer peu de temps s’étala sur 4 ans et faucha 12 millions de soldats.

L’exposition passionnante qui s’est ouverte à la BNF le 25 mars s’attache à la période s’étalant du 23 juillet au 4 août 1914. Elle rappelle l’assassinat à Sarajevo, le 28 juin 1914, de l’archiduc héritier du trône d’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand, par un jeune nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip. Dès lors, les ambassades s’emballent. L’Autriche-Hongrie veut profiter de l’affront pour donner une leçon à la Serbie et affirmer sa supériorité. Le 23 juillet, l’Autriche adresse un ultimatum inacceptable à la Serbie ; c’est le début de l’escalade qui va embraser la région. L’Allemagne s’en mêle, persuadée que l’affrontement demeurera localisé. Or les Russes se mobilisent le 30 juillet, entraînant les grandes puissances européennes à faire de même : le 1er août est déclaré l’ordre de mobilisation générale en France et en Allemagne, le 3 août l’Allemagne déclare la guerre à la France, le 4 août l’Allemagne déclare la guerre à la Belgique et la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.

L’exposition réunit des ordres de mobilisation, alors placardés dans les rues, des lettres d’ambassade, retraçant le jeu diplomatique et le processus de déclenchement de la guerre, des images d’archive de cet été 1914, radieux entre tous, particulièrement chaud, des lettres de soldats, des uniformes français, allemand, anglais et serbe avec leurs fusils, des mitraillettes. Les témoignages d’écrivains et philosophes pris dans la tourmente s’étalent sur 3 murs. Einstein avait 35 ans et était un pacifiste convaincu : « Ou vous êtes pour la guerre, ou vous êtes contre la guerre. » Dans une lettre à Sigmund Freud, il écrit : « Comment est-il possible que la masse, par les moyens que nous avons indiqués, se laisse enflammer jusqu’à la folie et au sacrifice ? Je ne vois pas d’autre réponse que celle-ci : l’homme a en lui un besoin de haine et de destruction. »  Marie Curie, à 47 ans, s’engage sur le front et crée 18 unités chirurgicales mobiles. Stefan Zweig, alors en villégiature en Belgique, croise l’armée allemande en route pour envahir le plat pays, « en dépit de tous les principes du droit des gens. Je remontai dans le train en frissonnant et continuai mon voyage vers l’Autriche. Il n’y avait désormais plus de doute : j’entrais dans la guerre. » Romain Rolland, lui aussi pacifiste convaincu et ami de Stefan Zweig, écrit dans un article publié en septembre 1914 : « Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d’assister, impuissant, à la faillite de la civilisation. »

Elle montre aussi la propagande, l’armée allemande caricaturée comme un dieu Thor monstrueux, des soldats allemands introduits dans une maison française et s’attaquant à un enfant, les exactions commises de part et d’autre et exagérées à l’extrême dans l’imaginaire des civils. Il n’en reste pas moins que face à la puissance de feu déployée par les belligérants, les hommes sont tous égaux : impuissants, mortels, tétanisés par la violence des armes, des canons, des obus qui les fauchent comme des mouches.

Alors, pourquoi cette guerre ? D’après Jean-Jacques Becker, Président d’honneur du Centre de Recherche de l’Histoire de la Grande Guerre et professeur à Nanterre, aucune solution n’a été trouvée à la crise de l’été 1914 en raison d’une « extraordinaire concurrence de médiocrité parmi les chefs de gouvernement à ce moment ».

Eté 14. Les derniers jours de l’ancien monde. Jusqu’au 3 août 2014. BNF, Quai François Mauriac, Paris. Exposition coproduite avec le ministère de la Défense dans le cadre du centenaire de la Première Guerre Mondiale.