Dans son livre « Le suicide français », le journaliste et polémiste consacre sept pages au régime de Vichy qui ne serait, selon lui, pas totalement condamnable puisqu’il aurait permis de sauver des Juifs en France grâce à « la stratégie adoptée par Pétain et Laval face aux demandes allemandes : sacrifier des Juifs étrangers pour sauver des Juifs français ». Une thèse absurde et fausse, estiment les historiens.
« C’est en partie vrai et en partie faux », explique l’historien André Kaspi. « Vrai parce que les juifs français n’ont pas été immédiatement inquiétés. Jusqu’en 1942 ils ont pu vivre en zone libre. Faux, parce que des Juifs français ont été déportés en 42. Le régime de Vichy a pratiqué deux recensements des Juifs. C’est particulièrement criminel, cela a permis leur arrestation et leur déportation ». Pour lui, en acceptant de déporter des Juifs étrangers Vichy « a ouvert la porte » à celle des Juifs français, d’autant qu’à cette époque de nombreux Juifs ont été dénaturalisés. Pour André Kaspi la thèse de Zemmour est « une déformation de la réalité car c’est la population qui a été responsable du sauvetage des Juifs et non pas le régime de Pétain».
La critique est identique pour Laurent Joly, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de l’antisémitisme. « Zemmour reprend un argument des défenseurs de Vichy et fait sienne la justification qu’avait utilisée Pétain lors d’un conseil des ministres, fin juin 42, selon laquelle la distinction entre Juifs français et étrangers serait admise par la population ». L’historien rappelle qu’en 43 une nouvelle rafle, après celle du Vel d’Hiv de juillet 42, avait été envisagée par les Allemands mais que Vichy ayant refusé d’y participer, les Allemands renoncèrent. Preuve selon lui que si Vichy avait dit non en 42 les Allemands n’auraient pas pu, seuls, organiser la rafle du Vel d’Hiv. Laurent Joly juge « hallucinant » qu’Eric Zemmour soit « dans une légitimation intellectuelle d’une thèse qui n’a pas d’audience, tellement elle est incongrue ».
Pour Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS et membre du conseil scientifique du mémorial de la Shoah, « Il n’y a rien de neuf dans cette thèse très traditionnelle destinée à justifier et réhabiliter Pétain. Ce n’est en rien une hypothèse historique », tranche-t-il.
En 1940, il y avait près de 340 000 Juifs en France dont environ 150 000 étrangers. Quelque 76 000 ont été déportés, dont 25 000 Français.
