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Musique

Geyster, le groupe solitaire de Gaël Benyamin

Le groupe Français Geyster publie la trilogie« Knight Games I, II & III »,soit trois CD, 29 titres, 108 minutes, 40 secondes de plaisir et la voluptueuse sensation de replonger dans les années dorées du son Californien : tel est le pari prodigieux gagné par Geyster…prodigieux car Geyster est non seulement un groupe solitaire, mais surtout son leader charismatique est Français. Et ce geyser émotionnel basé à Nogent sur Marne est le fils d’un des « pères »- avec son collègue Paul Nahon- de l’émission de grands reportages de la télé publique, « Envoyé Spécial », Bernard Benyamin.

D’abord il y a cette grandiloquence du génie « mégalo », car en ces temps de crise en général et du disque en particulier, il faut être un vrai « mensch » pour oser publier un triple album sur son propre label. Chanteur, auteur-compositeur, arrangeur, multi-instrumentiste, ingénieur, réalisateur, producteur… Gaël Benyamin porte au moins douze casquettes à la fois, à l’instar de Stevie Wonder, de Stevie Winwood ou de Prince. Tout seul dans sa cuisine, Geyster réussit tout ce que Steely Dan mettait deux ans à fabriquer en studio : un idéal de son pop et ensoleillé sans doute, pour effacer la grisaille parisienne. Rencontre avec cet homme-orchestre.

L’Arche : On va d’abord parler de tes origines…ton père, le journaliste Bernard Benyamin est né à Oran ?
Gaël Benyamin : Il est né en Algérie, en 1949, un pays qui faisait alors partie des colonies Françaises. Sa famille était installée depuis longtemps là bas et ils ont du partir quand il était encore gamin. Ils ont abandonné toutes leurs terres, ils ont tout laissé en plan pour venir à Paris débuts 60. Quant à ma mère, elle est originaire d’ Egypte, née à Alexandrie. Ils sont tout les deux juifs. Et même schéma que pour mon père, sa famille a du quitter toutes ses terres, son appart là-bas pour venir à Paris, au moment de la crise du canal de Suez avec Nasser. Ils sont donc repartis à zéro à leur arrivée en France. Et mes deux parents ont du très vite se mettre à travailler pour aider leurs familles. C’étaient de grandes familles en plus, ils étaient cinq, six frères et sœurs de chaque coté.

Le nom de jeune fille de ta maman ?
Azoulai avec un « i ». Moi je suis né en 74, j’ai fêté mes quarante ans l’année dernière. J’ai baigné dans une atmosphère très journalistique vu que mes deux parents étaient journalistes. Mon père est désormais à la retraite. Ma mère par contre est toujours en activité. Mon père d’abord été engagé à France Inter, et très vite il s’est spécialisé dans l’Amérique Latine. Ensuite, il a été embauché à la télé, à Antenne 2 à l’époque.Il a donc été lecorrespondant en Amérique Latine, pour la chaine publique durant de nombreuses années.

Donc vous avez vécu là-bas ?
Mes parents ont vécu à Rio et j’ai même été conçu à Rio. J’ai même failli y naitre. Ils ont habité au Brésil dans les années 70, puis il sont revenus à Paris. Mon père est ensuite reparti là-bas, dans les années 80 jusqu’en 89, où il a créé « Envoyé Spécial » avec Paul Nahon, le magazine de grands reportages sur France 2, repris depuis par Ghislaine Chenu et Françoise Joly. Quant à ma mère, elle a été longtemps dans la presse écrite, elle a écrit dans « Enfants magazine », elle a aussi fait « les Nouvelles Littéraires » avant, elle aussi, de passer à la télé où elle produit des documentaires comme des reportages, notamment pour Envoyé Spécial, mais aussi pour France 4, France 5, Arte. Donc j’ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans ce milieu journalistique.

Et cela ne t’a pas donné envie de les imiter ?
Pas du tout. Vraiment pas, non. Ca ne m’a jamais attiré, je ne pourrais même pas te dire pourquoi, mais c’est non. Moi c’était la musique, même si je m’y suis mis assez tard, sur mes treize ans. Je n’ai pas du tout étudié au Conservatoire, ni pris des cours, mais à 14 ans, je me suis mis tout seul au piano, à la guitare etau chant. J’étais un gros fan des Beatles, donc je prenais ma guitare ou le piano, et je chantais les chansons des Beatles. Mon père faisait un peu de guitare, donc il m’a un peu initié au départ; et après, j’ai tracé ma route un peu tout seul. J’ai eu des groupes de rock bien entendu.

Il y avait une belle collection de disques à la maison ?
Beaucoup de vinyles, mon père encore une fois qui était un gros fan de toute la musique Brésilienne…Jobim, Caetano Veloso, Gilberto Gil…il les a d‘ailleurs tous rencontré. Il est toujours encore passionné par le Brésil. Il a d’ailleurs un appartement là bas. Voilà, j’ai aussi pas mal baigné dans ce truc Brésilien.

Mais il n’y avait pas que des disques brésiliens à la maison ?
Il y avait effectivement beaucoup de jazz, du rock aussi comme les Beatles, dont mon père est un grand fan. Il les a même vu en live à l’Olympia ; lorsqu’ils faisaient la première partie de Sylvie Vartan, il était là. Il a toujours eu aussi un penchant pour la musique Californienne, tout ce qui était Eagles, Steely Dan. Et pas mal de jazz…Coltrane, Miles Davis…il y avait effectivement énormément de disques chez nous.

C’est magique de grandir au milieu d’une telle discothèque à portée de main ?
Effectivement, il m’a toujours laissé toucher à ses vinyles. Lorsque j’avais 12 ou 13 ans, j’allais voir, je piochais au hasard parmi les albums dont les pochettes me plaisaient le plus. Je me laissais guider par ces pochettes de 33 tours. Mon père ne m’a pas vraiment fait d’initiation, il m’a laissé un peu en roue libre. Après, il intervenais quand il entendait que j’écoutais untel ou untel, là il arrivait dans la salle de ses disques pour me dire : « ah tu as pris ça ? » Et là, il me faisait un petit historique du truc. Pourtant, il me laissait toujours carte blanche. C’était comme une sorte de rituel à chaque fois d’ouvrir l’album, de prendre le disque, de regarder, de voir les noms des musiciens, les crédits, les textes parfois cela prenait un certain temps. Puis le temps de mettre le disque, de poser le bras sur le vinyle sans se tromper de sillon, c’était tout un cérémonial de passer un disque. Il fallait avoir un peu de temps, tu ne pouvais pas appuyer sur « play » et aller faire la cuisine en même temps. Il fallait le retourner, c’était tout un truc qui m’a toujours inspiré.

Tes parents sont religieux ?
Alors très peu lorsque j’étais plus jeune, mais mon père le devient en vieillissant. Il n’est pas pratiquant, il ne va pas faire le shabbat obligatoirement tous les vendredi. il fait certaines fêtes dans l’année, mais pas toutes ; surtout les plus importantes, il fait kippour, pourim, rosh hashanah. Ma mère, par contre ne fait quasiment rien, il y a presque un rejet de la religion de sa part. Et d’ailleurs, c’est un peu mon cas. J’ai un rapport un peu bizarre avec la religion. On n’a jamais mangé casher, sauf mon frère. J’ai un frère qui a un an de moins que moi qui lui est devenu assez pratiquant. Il mange casher et il est marié avec une fille très à cheval sur la religion. Pas de porc, pas de trucs non casher à la maison. il n’en sont pas au stade de prendre leurs propres couverts quand on va diner en dehors de chez eux, mais pas loin.
Toi tu n’as jamais vraiment été religieux. As tu fait ta Bar Mitzvah ?
Oui et en même temps que mon frère.

On t’a obligé ?
Oui, car en plus, je n’ai quasiment pas eu de formation au Talmud. J’ai tout appris en phonétique, la prière était en phonétique, je ne savais même pas ce que je lisais. Je l’ai un peu faite pour les cadeaux, d’ailleurs c’est un peu ça qui m’a mis le pied dans la musique, car avec l’argent de la fête je me suis acheté mon premier synthé. C’était unYamaha DX7, à l’époque, c’était un peu la star des synthés numériques.Donc j’ai pu m’offrir ce synthé sur lequel je fantasmais depuis longtemps avec l’argent de ma Bar Mitzvah. On allait souvent chez ma grand mère, la mère de mon père faire shabbat le vendredi soir avec toute la famille. Et on faisait la prière. Durant l’année, on se retrouvait aussi pour toutes les grosses fêtes. Mais je ne me suis jamais vraiment senti concerné par la religion. Je me pliais à ça par respect pour la famille, pour les traditions, mais pas par croyance. »

A l’age de 24 ans, Gaël part à Los Angeles pours suivre les cours du Musician’s Institute à coté du Chinese Grauman Theater sur Hollywood. Il rencontre Pernila, charmante chanteuse suédoise avec laquelle il donne ses premiers concerts dans les clubs de LA. Retour en France, Pernila le suit et c’est ensemble qu’ils enregistrent les premiers albums de Geyster à la maison.

Et tes parents n’ont pas protesté ou exigé que tu deviennes dentiste ?
Non, ils ont toujours cru en mon « talent ». Ils m’ont conseillé de continuer mes études en parallèle, et comme je n’étais pas mauvais en Anglais, j’ai même songé à l’enseigner. Mais je ne suis allé que trois jours à la fac, après j’ai arrêté, je ne m’y sentais pas à mon aise. Finalement, je n’ai fait que de la musique et mes parents m’y ont même poussé. Encore une fois, j’avais la chance d’avoir des parents qui me soutenaient totalement. »
Son premier album sort chez Virgin voici dix ans, mais le succès commercial reste mitigé. Gaêl s’accroche néanmoins, déterminé coute que coute à s’exprimer. Par conséquent, tous ses disques suivants vont sortir sur son propre label indépendant.

On peut considérer que tu as tout vraiment de la suite dans les idées en publiant simultanément ton 7éme, 8éme et 9éme album.
Je suis très productif. même si c’est un peu malgré moi. Je ressens comme une espèce d’urgence quand je compose.Lorsque je produits, il me faut de la matière. J’ai toujours été comme ça, comme si je devais mourir demain. Je suis fataliste, dans ma tête, c’est un peu demain on s’en va…

Le nom Geyster t’a t’il été inspiré par les geysers du Yellowstone National Park ?
Pas directement, même si je crois bien y avoir pensé. C’était le tout début d’internet et il me fallait un pseudo pour un forum de musiciens. Et je n’avais pas envie de mettre mon nom, alors je ne sais pas comment a jailli Geyster, comme ça. Dans la case là où tu devais mettre un pseudo, j’ai écris Geyster, avec un G comme Gaêl. Et c’est resté.

Quelle image souhaiterais tu que l’on garde de toi ?
Celle d’un électron-libre, d’un type qui n’en a toujours fait qu’à sa tête. Qui a pu faire tout ce qu’il voulait en matière de musique, sans jamais se plier aux exigences et au format actuel. Qui était totalement indépendant et qui a su aller au bout de ses idées, voilà.

En même temps ta musique est plutôt cool, pas révolutionnaire. Tu n’es pas les Pistols ou les Clashs qui prônaient la Révolution permanente. Mais, quelque part, de par ton fonctionnement et ton indépendance, tu es effectivement révolutionnaire.
C’est vrai, en fait je suis très énervé. Je suis vraiment énervé avec ma musique. pour moi c’est une arme de combat. Alors qu’elle est sucrée, ensoleillée…je m’en rends bien compte, c’est totalement contradictoire.
C’est « on n’attire pas les mouches avec du vinaigre », pour séduire le chaland tu leur donne un bon coup de sucre.
Ben en tout cas, ça marche pas…(rires). J’ai une petite niche de fans, de gens qui me sont fidèles depuis dix ans. Mais aujourd’hui, je ne peux pas dire que je vive de ma musique. Je vis de la musique, mais pas de ma musique. »

Tout ce qu’il manque à Geyster c’est juste un tube. Peut être saurez-vous le trouver, au cœur de ce triple album ? Samedi 28 mars, dans ONPC (On n’est pas couché) sur France 2, le sémillant Aymeric Caron citait justement Geyster comme exemple de réussite en musique électronique, en dehors de la « french touch » des Daft Punk et autres. Alors si la route est longue pour Gaël Benyamin, et si elle est aussi semée d’embuches, elle peut aussi compter sur quelques rayons de soleil médiatiquesà l’instar de celui-là.

GEYSTER : « Knight Games I, II & III » (Somekind Records)
Sortie le 7 avril 2015
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