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Sorties

Stora à la Bellevilloise

« Maman, elle est où la maison ? »

« Mais, elle est en Algérie. »

« Maman, elle est où l’Algérie ? »

« Mais enfin Benjamin, l’Algérie, elle est derrière nous. »

Les répliques résonnent et l’atmosphère bruyante et chaleureuse qui précédait le début du spectacle s’éteint. La salle de la Bellevilloise est happée par ces premières paroles qui manifestement ont ému l’assemblée. On est en 1962 et c’est le dernier exil qui se joue.

La pièce « Les 3 exils d’Algérie, une histoire judéo-berbère », jouée dans le cadre du « Printemps de la mémoire », retrace l’histoire parfois douloureuse de ces juifs qui par trois fois devront se réinventer une identité. De la colonisation française qui engendra le décret Crémieux en 1870 (il fera bénéficier les juifs de la nationalité française), de l’abrogation de celui-ci sous Vichy, à la fin la guerre d’indépendance d’Algérie, chaque étape est contée comme un poste de radio qui bondirait d’un événement historique à l’autre.

La comédienne, seule sur scène, joue tous les rôles de cette adaptation du livre de l’historien Benjamin Stora, les 3 exils : Juifs d’Algérie. La mise en scène de Jeremy Beschon fait incarner l’actrice tour à tour, des journalistes, des hommes d’Etat ou encore des familles exilées.

Enfant de pieds-noirs, Jeremy Beschon n’aime pourtant pas mettre sa propre histoire en avant : « C’est quelque chose que j’ai parfois du mal à dire, pas parce que j’en honte, mais parce que si ça a été un ressort dans mon travail c’était inconscient », dit-il.

Il explique avoir la même passion pour chacun de ses projets et que son « obsession » est de travailler sur « les rapports de force et les rapports de domination qu’il y a dans notre société aujourd’hui ».

C’est de cette façon qu’il s’est intéressé à l’histoire des immigrations dont il estime qu’elle a d’abord été méconnue et qu’à présent le poids l’histoire coloniale n’est pas assez mis en avant.

Le thème de l’exil revient donc souvent, mais sous différentes formes, comme dans cette pièce : « L’exil intérieur, c’est à dire l’exil par rapport à sa propre culture (…), et l’exil physique que l’on retrouve aujourd’hui avec les migrants mais qui existait en 62 avec les pieds-noirs ou les juifs algériens. »

Dans cette recherche, Jeremy Beschon s’interroge notamment sur « le rapport des enfants d’immigrés avec leur culture d’origine dans le modèle républicain français » et sur la possibilité de se construire sans la culture de ses aînés.

En utilisant les livres d’histoire il essaye de donner des clefs de chercheurs pour mieux analyser les évènements historiques importants comme la guerre d’Algérie. « La rationalité de l’histoire c’est vraiment important pour pourvoir tenter d’avoir aujourd’hui ce qu’on appelle des mémoires plus apaisées », explique-t-il.

En passant par le théâtre pour raconter l’Histoire Jeremy Beschon s’offre un espace de liberté : « On peut dire plus de choses et on passe par l’empathie et comme le public est en empathie avec le personnage on peut faire travailler le public, on peut le faire réfléchir activement sans qu’il s’en rende compte. C’est le principe même de l’art, pouvoir passer des questions relativement violentes sur un ton humoristique ou poétique. »

Toutes les informations relatives à la programmation du travail de Jeremy Beschon peuvent être trouvées sur le site du collectif « Manifeste Rien », http ://manifesterien.over-blog.com.