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Israël

Moi, Gil, j’ai participé à l’indépendance d’Israël

Gil Kessary, journaliste et ancien diplomate israélien, était un lycéen de 17 ans lors de la proclamation de l’Etat d’Israël. Dans ce témoignage, il confie à l’Arche magazine son souvenir à Tel-Aviv de ce jour du 14 mai 1948 et la façon dès le lendemain, il a été enrôlé dans les rangs de Tsahal pour la guerre d’Indépendance.

L’Arche magazine – Quels souvenirs gardez-vous du 14 mai 1948, lorsqu’a été proclamé l’indépendance d’Israël ?

Gil Kessary – Je faisais partie d’un petit groupe de curieux, rassemblés à l’extérieur du petit immeuble à Tel Aviv où Ben Gourion a proclamé l’Etat d’Israël. L’ambiance durant ce premier jour était sans explosion de joie, sans manifestation d’allégresse. Dans le pays, on ressentait un bonheur mais sans trop d’allusions quant à l’avenir. On se demandait quel serait notre futur sort… Une fois la cérémonie d’indépendance terminée, chacun est rentré chez soi, sans s’imaginer l’ampleur du conflit qui allait débuter dès le lendemain, et qui dure toujours depuis.

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Mais pour moi, tout a commencé avant, avec la résolution de l’Onu sur le partage de la Palestine le 29 novembre 1947. A ce moment-là,  trois groupes juifs clandestins menaient un combat contre le mandat britannique, voire contre les gangs arabes pour défendre, derrière des sacs de sable, les villes juives face aux assauts des voisins arabes ayant rejeté cette résolution. Je faisais partie de l’ « Irgoun », l’un de ces groupes clandestins.

Puis, le lendemain du 15 Mai, le jeune Etat, peuplé tout juste de quelques centaines de milliers d’habitants, devait se défendre contre les armées régulières, bien armées, en provenance de six pays arabes voisins. Tsahal n’avait que quelques milliers de jeunes, peu entraînés et mal équipés. La situation se présentait très mal, alors Ben Gourion prit une décision sans précédent: la mobilisation générale des jeunes de 17 ans, y compris les lycéens, dont je faisais partie. Israélien de deuxième génération, je me suis retrouvé avec d’autres lycéens -ayant accueilli cette aventure, il faut le reconnaître, avec une grande joie- dans un centre de recrutement. On ne se souciait guère d’être arraché de l’école un an avant le baccalauréat. On avait plus urgent à faire.

 

L’Arche magazine – Dans quelle mesure avez-vous lutté le lendemain contre les pays qui déclaraient la guerre à Israël ?

Gil Kessary –  A l’issue d’entraînements assez élémentaires, j’ai choisi de servir dans une des trois brigades du Palmach, l’unité d’élite de la Hagana pendant le mandat britannique, et de tsahal ensuite. La brigade à laquelle j’étais affecté a combattu dans le sud du pays face à l’armée égyptienne, bien supérieure en hommes et en matériel. Les combats étaient féroces, et j’ai vu mourir plusieurs de mes amis soldats.

Lors de la bataille pour la conquête de Beersheva nous avons combattu auprès du régiment numéro 75, surnommé « Le Commando français », composé de quelques volontaires mais surtout de nouveaux immigrants maghrébins, parlant à peine l’hébreu. Leur chef était le commandant Thadé Duffre, allias « Teddy Eytan », un personnage légendaire, volontaire français non-juif, ancien officier de la Légion Etrangère. Bien plus tard, en France, il mourut dans un accident de la route. Au cours de ce combat on a subi des pertes. Pour enfin terminer en beauté par la prise de Oum Rashrash, aujourd’hui Eilat.

Ce n’est qu’au début de 1949, après la signature des accords d’armistice, fixant les nouvelles lignes établies selon le cessez-le-feu, que notre contingent de lycéens a été démobilisé provisoirement afin de reprendre les études et passer le Bac. Drôle de Bac, ayant probablement pris en considération les « héros fatigués »…

Au bout de six mois on a repris du service, jusqu’à la démobilisation. Mais l’engagement n’était pas terminé et continuait en tant que réservistes. Encore des guerres, encore des victimes, encore des devoirs et déboires. Mais ceci est une autre histoire, et j’en suis fier.

 

L’Arche magazine – À vos yeux, Israël est-il resté fidèle à ses idéaux d’origine ?

Gil Kessary –  Lors de ces événements historiques, l’idéal premier était de survivre. Une fois celui-ci accompli, on réalisait encore mal ce miracle. Avec le temps, on voit Israël comme un fait accompli, les idéaux semblent peu a peu s’atténuer. Certes, la sécurité continue à être la préoccupation principale d’Israël, mais d’autres idéaux naissaient au fur et a mesure: le bien être, la réussite économique, la carrière, l’avenir des enfants, la qualité de la vie. Disons même le besoin de se défouler et de rouspéter. Et ce qui est désolant, l’habitude de reprocher aux autres ce qui ne vous plait pas. Après, personnellement, j’estime que l’un des phénomènes négatifs d’Israël de l’après 1948, sont les cas de corruption ainsi que les gros écarts entre les classes sociales. En résumé, mon pays, dont l’idéal de départ était de survivre, est devenu comme l’ensemble des pays du monde.

 

L’Arche magazine – Quel avenir envisagez-vous pour Israël ?

Gil Kessary –  Pour moi l’avenir est assuré tant qu’on saura garder nos intérêts vitaux contre vents et marées et contre cet antisionisme a la mode qui créé une hostilité anti-israélienne. Ce ne sont ni les belles paroles des uns et des autres à travers le monde, ni les menaces permanentes contre notre existence qui fixeront notre avenir. C’est plutôt la détermination, le patriotisme (oui, le patriotisme), et la persévérance du génie juif. Donc oui, dans ces conditions l’avenir est assuré, pas moins, et peut être plus, que celui de certains pays européens.