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Cinéma

L’Amérique de Jim Jarmusch et Jeff Nichols

Ségrégation et poésie au festival de Cannes

C’est l’Amérique des années cinquante en Virginie, dans un État qui reste encore ségrégationniste, et ou la violation des lois qui interdisent les mariages interraciaux vous condamne a la prison ou a la relégation.
Jeff Nichols est parti d’un fait divers réel qu’il raconte sans pathos, sans grandiloquence, juste pour qu’on se souvienne de ce qui a eu lieu (et qu’on évite au passage de propager quelques sottises).
Un couple composé d’un blanc et d’une noire qui a enfreint l’interdit et a convolé en noces dans un État voisin se trouve poursuivi en justice, soumis au choix terrible entre la prison ou l’exil, la détention ou la suspension de la sentence à la condition qu’il accepte de quitter les lieux pendant 25 ans.
Un jeune avocat, Bernard Cohen, engage dans le mouvement des droits civiques, va prendre en mains l’affaire et la porter devant les tribunaux fédéraux, et jusqu’à la Cour suprême qui se prononce contre la décision des juges de Virginie.
L’arrêt, dit « Loving versus Virginia », fera jurisprudence et signera le début de la fin de la ségrégation et le début de la victoire du mouvement des droits civiques (auquel le judaïsme américain a pris sa part, n’en déplaise a ceux qui aimeraient bien réécrire l’histoire). Avant qu’un automobiliste apparemment éméché ne décide d’écraser Richard Loving.
Était-ce un accident involontaire ou un assassinat? L’histoire ne le dit pas. Mais ce film magnifiquement servi par Joël Edgerton et Ruth Negaa a fait un triomphe au festival de Cannes, en même que le très inattendu « Paterson » de Jim Jarmusch.
D’une Amérique a l’autre. Nous ne sommes plus dans les années cinquante mais dans l’Amérique d’aujourd’hui. Plus en Virginie mais dans le New Jersey, plus dans le sud profond mais à Paterson, ville des poètes William Carlos Williams et Allen Ginsberg. Le personnage principal porte le nom du lieu-dit, il s’appelle aussi Paterson. Il est chauffeur d’autobus dans un quartier qui respire l’ennui. Il vit entre Laura et un bouledogue anglais et fait tous les soirs le tour du pâte de maison avec virée au bar du coin ou sévit une faune esseulée et bavarde.
Seule distraction qui le sauve du train-train quotidien, un carnet secret ou il couche ce qui lui passe par la tête pendant son trajet. Des bouts de poème sans prétention mais qui tournent dans sa tête.
On ne dira pas la fin de ce film ou Jarmusch est au meilleur de lui-même et ou les deux acteurs, Adam Driver et Goldshifteh Farahani ont « bluffé » la Croisette en s’imposant dans des rôles étonnants de retenue et de force. Sans compter le bouledogue qui aurait mérité un Oscar s’il n’avait eu la mauvaise idée de passer – nous dit-on – de vie à trépas quelques jours avant le festival.