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France

NKM : « La liberté doit être préservée et cultivée »

L’Arche s’entretient avec Nathalie Kosciusko-Morizet, députée de l’Essonne, conseillère de Paris et présidente du groupe LR, de retour d’un voyage au Mali.

L’Arche : Nous publions un hors-série de notre magazine sur Paris, ville symbole de liberté. Le rayonnement, l’attrait qu’exerce la capitale dans le monde vous paraissent-ils toujours aussi forts aujourd’hui, dans les épreuves qu’elle traverse ?

Nathalie Kosciusco-Morizet : Malheureusement, non. Bien sûr, Paris reste un symbole de liberté et chaque moment tragique de ces derniers mois nous l’a rappelé. Mais cette liberté doit être préservée et cultivée. Soyons clairs, quand on parle de la liberté de Paris aujourd’hui, suite aux épreuves que nous avons subies, beaucoup répètent un discours un peu galvaudé et évoquent la liberté de Paris en tant que Ville, c’est-à-dire une sorte d’image d’Épinal. On ne parle donc pas de la liberté des Parisiens eux-mêmes. Or, par exemple, je considère que la première des libertés est la sécurité et je pense que la municipalité parisienne ne se donne pas les moyens de l’assurer suffisamment.

Paris a été la cible répétée d’attaques terroristes depuis plus d’un an maintenant. Les mesures de sécurité qui sont prises dans les lieux publics sont-elles suffisantes à vos yeux ?

L’urgence de 2015 doit maintenant laisser place à la permanence des mesures de lutte contre le terrorisme. Les hommes et les femmes déployés pour la surveillance des sites sensibles sont à bout de souffle. À cet égard, il est regrettable que la Ville de Paris ne se mobilise pas davantage pour mieux loger des soldats exténués par une mobilisation sans précédent. Un minimum de reconnaissance commanderait de mobiliser davantage le parc municipal pour loger dignement les troupes. Au lieu de cela, l’exécutif envisage de récupérer des casernes que la ville loue actuellement à l’État pour en faire des logements sociaux ! Plus que jamais, la Ville doit assumer sa part dans la sécurisation de Paris. Une police municipale, si elle n’a pas vocation à être en première ligne dans la lutte antiterroriste, pourrait utilement soulager la police nationale qui ne parvient plus à assurer la totalité de ses missions. Et pourtant, la Maire demeure totalement opposée à l’idée d’avancer sur ce sujet.

Vous avez été à l’initiative d’un vœu au conseil municipal contre le BDS qui appelle au boycott d’Israël. Pourquoi cette campagne trouve-t-elle encore des échos dans la classe politique ?

Parce que c’est un problème qui la traverse. Et le Conseil de Paris en est un très bon exemple. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec les élus de mon groupe, mettre la Maire de Paris face à ses responsabilités. Nous jugions qu’il était trop facile de faire de beaux discours sans que cela ne soit jamais suivi d’acte. Le combat a été long car notre premier vœu déposé en septembre dernier pour que la Ville de Paris condamne BDS a d’abord été rejeté. À l’époque, l’adjoint d’Anne Hidalgo, Patrick Klugman, de toute évidence en service commandé, nous avait expliqué que « BDS n’était pas un problème à Paris » et avait – avec beaucoup de mépris – voté contre notre proposition. Nous étions choqués par autant de mauvaise foi et nous avons décidé de redéposer notre demande en février. Sous la pression, la majorité socialiste s’est alors finalement décidée à voter notre texte.

Vous êtes actuellement en déplacement en Afrique. Quand vous dites : « Nous sommes en guerre et nous ne nous conduisons pas comme si nous étions en guerre », qu’entendez-vous par là ?

Précisément, je dis que l’on ne fait pas la guerre avec les moyens de la paix. Les mots ont un sens et la parole politique aussi. Déclarer que nous sommes en guerre doit nous conduire à faire des choix et parfois à déplacer un peu le curseur, provisoirement, entre liberté et sécurité. Cela nécessite aussi de s’en donner les moyens. Au moment où nous faisons cette interview, comme vous l’avez rappelé, je suis en déplacement aux côtés de nos soldats déployés au Mali, au Niger et au Tchad dans le cadre de l’opération Barkhane. Je rencontre des hommes et des femmes entièrement dévoués au service de notre armée, qui aspirent à l’excellence mais qui subissent maintenant les limites des politiques publiques aveugles et successives des dernières décennies qui n’ont fait que baisser le budget de la défense. À force de tailler dans le gras, nous sommes arrivés à l’os.

Vous avez salué avec beaucoup de force le sursaut du peuple de Paris le 11 janvier. Mais vous avez dit aussi qu’il fallait entendre le message des gens rassemblés place de la République à « Nuit debout ». Vous auriez pu en être ?

Aux débuts de Nuit Debout, j’ai avant tout dit que je pensais qu’il fallait écouter les messages qui étaient scandés. « Nous ne sommes pas que des électeurs, nous sommes aussi des citoyens ». La classe politique doit l’entendre. Cela doit nous faire réfléchir alors que l’abstention est de plus en plus importante et que la crédibilité des responsables politiques est au plus bas. Au départ, Nuit Debout n’est pas un rassemblement de « punks à chiens gauchistes » comme j’ai pu le lire ici ou là. Ce sont, pour la plupart, des jeunes qui se retrouvent, discutent et débattent de sujets politiques sans logique clanique ou de parti. Bien sûr que je condamne fermement l’ensemble des débordements et les insultes qu’il y a eu. Mais ce bruit-là ne doit pas cacher le message de fond, celui de tous ceux qui ne viennent pas pour casser. Alors que le mouvement Nuit Debout émergeait, Anne Hidalgo organisait la « Nuit du débat démocratique » et invitait les Parisiens à venir échanger sur des sujets prédéfinis, dans des lieux bien précis, à des horaires fixes. Eh bien, cela a fait un flop, car c’est une vision bien ancienne du monde que celle qui consiste à organiser, régenter, quasi millimètrer des débats lorsque l’on est un responsable politique. Les Français aspirent plus que jamais à davantage de liberté.

Vous vous êtes lancée dans la bataille des primaires au sein des Républicains. Qu’est-ce qui vous distingue des autres candidats ?

La société a changé, l’économie a changé, le numérique a tout changé mais la politique, elle, n’a pas changé. J’ai écrit un livre pour le dire et proposer une voie pour s’en sortir. Je pense que depuis trop longtemps notre pays souffre du manque de courage de ses dirigeants qui n’ont fait que des petites réformes et n’ont pas préparé la France à ce nouveau monde qui naît. Sauf qu’à force de petites réformes, nous avons l’impression de n’avoir fait que des sacrifices sans en comprendre le sens. Sans savoir où cela nous mène. Je veux proposer aux Français de faire ensemble des efforts pour réformer radicalement notre pays et fixer de nouvelles règles que l’on ne changera plus. La campagne de 2017 ne doit pas se jouer sur des questions comme « Pour ou contre les 35 heures ? » ou « Pour ou contre l’ISF ? ». On aurait dû y répondre de puis 15 ans ! Et cela ne suffit plus.

Vous êtes l’opposition principale à Anne Hidalgo au conseil municipal. En même temps, vous avez quelque chose de commun avec elle. Vous êtes chacune rebelle dans son propre camp ?

S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas me reprocher, c’est de ne pas dire ce que je pense. Et il est vrai que j’ai tendance à le dire franchement. Les membres de mon équipe pourraient d’ailleurs vous en parler ! (rires). Plus sérieusement, il vous appartient de faire les comparaisons que vous souhaitez, mais cette liberté dont j’use est un trait de caractère qui a toujours marqué ma personnalité, que je n’ai jamais caché, que je ne feins pas. Je n’ai personnellement jamais eu le goût de la dissimulation.