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Arts

L’humour juif n’existe pas !

Les humours juifs, oui. Résumer l’humour juif à une définition ou un visage est impossible. Même entre références d’une même génération et qui sont supposés l’incarner. En effet, quels points communs pouvons-nous trouver entre un Lenny Bruce, premier humoriste à parler de religion, de sexualité et de racisme sur scène avec un ton offensif destiné à déconstruire les préjugés dans l’Amérique conservatrice des années 60 et un Woody Allen barricadé sur son divan de psy par ses perpétuelles angoisses ? Quels points communs entre un Ben Stiller timide et maladroit, amoureux naïf et un Sacha Baron Cohen boratien ?

Généralement, les gardiens du temple de tel humoriste certifieront que leur champion est la tête d’affiche inconditionnelle. Les autres étant finalement surévalués, comme le disait d’ailleurs Woody Allen au sujet de Lenny Bruce dans son film Manhattan, ce dernier étant mort et pouvant difficilement répondre.

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C’est justement ce que ne font pas les vrais spécialistes de la question, ou plutôt de ces questions. Cette année, l’historien Eddy Portnoy a organisé une exposition étonnante sur ce sujet au Center for Jewish History de New York. Il a choisi des objets rares issus des archives d’un grand collectionneur. Lors d’un séjour récent à New York, j’ai pu être guidé par Portnoy : « Le dessinateur Drew Friedman désirait exposer une partie de sa collection concernant les humoristes juifs, objets qu’il collectionnait depuis l’âge de dix ans. A Yivo, où je travaille, nous possédons d’immenses archives. Mais cette exposition a une saveur particulière. »

Et le phénomène n’est pas apparu seulement au XXe siècle. « De nombreux livres de blagues juives ont été publiés en yiddish dans les années 1860 et 1870. Nous en montrons ici quelques exemplaires, dont certains écrits par des rabbins ! D’autres par des juifs communistes ! », ajoute Portnoy.

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Mais il est vrai que la médiatisation radiophonique puis télévisuelle, l’utilisation de supports de presse, de jeux et les nombreuses salles qui commencèrent à respecter et puis promouvoir cet art autrefois destiné aux sans grades favorisaient les identifications en tout genre. Portnoy nous montre des objets étonnants : « On y voit des publicités pour des poupées Eddie Cantor, des jeux de société and Rodney Dangerfield, des bandes dessinées de super-héros avec Don Rickles ! »

Et puis, des photos inédites du Catskills. « L’incubateur de tant de talents : Mel Brooks, Woody Allen… On surnommait ce lieu l’université des humoristes. » Ce lieu de vacances pour les classes moyennes permettait en effet à de jeunes humoristes de s’y former. Comme le montre le plus beau film sur le sujet, Mr Saturday Night.

En attendant que cette exposition qui permettrait de comprendre la complexité des humours juifs et leurs multiples définitions et incarnations, Eddy Portnoy explique que « la présentation new yorkaise fit une grande heureuse : la femme de Drew Friedman, qui me confia qu’elle allait enfin pouvoir redécorer sa maison ! »