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Musique

Bob Dylan, le passeur des temps modernes

Jeudi 13 octobre 2016, la prestigieuse institution qu’est l’Académie du Prix Nobel, sacre le chanteur Bob Dylan en lui attribuant le prix de littérature. Premier musicien de l’histoire à recevoir cette distinction, Dylan de son vrai nom Robert Allen Zimmerman a influé et influencé toute une génération d’auditeurs, d’auteurs et de musiciens dans le monde depuis plus d’un demi-siècle. Par ses mélodies, ses paroles, sa voix unique ou les itinéraires qu’il a empruntés, Bob Dylan est récompensé « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique » a annoncé la secrétaire générale de l’académie suédoise, Sara Danius. Cette « Poésie de l’oreille » qui est aujourd’hui récompensée, donnera ces prochains jours du grain à moudre aux mauvaises langues qui pensent que ce couronnement n’est qu’une vaste fumisterie. C’est sans aucun doute faire l’impasse sur une œuvre aussi riche que vivante incarnée par un artiste à la vie et au talent hors du commun.

Du troubadour à lunettes noires errant dans les cabarets de Greenwich Village au début des années 60, jusqu’à la star décorée par le président Barack Obama en 2012, la figure mystérieuse qu’est Bob Dylan a toujours suivi son imprévisible et rebelle route musicale. Telle une pierre qui roule, il se tient toujours là où personne ne l’attend, continuant de nous faire vibrer. Il sort en mai dernier son 37ème album studio intitulé « Fallen Angels » sur lequel il interprète des standards de Frank Sinatra, et poursuit une tournée mondiale intitulée « Never Ending Tour » qu’il a entamée en 1988.

Robert (Bob) Zimmerman né en mai 1941 à Duluth dans le Minnesota. Ses parents Abraham Zimmerman et Beatrice Stone, sont tous deux issus de familles juives immigrées d’Odessa ayant fui les pogroms à la fin du 19ème siècle. Il reçoit très tôt de sa mère et de sa grand-mère maternelle la culture et la tradition ashkénaze, baignant dans les contes et légendes yiddish. La famille Zimmerman s’installe ensuite à Hibbing, ville minière aux mœurs plutôt conservatrices et de tradition chrétienne. Son père, Abraham, y ouvre un magasin en électro-ménager et fréquente parfois la loge juive maçonnique: B’nai Brith. C’est dans cette ville que commencent les premiers émois musicaux du jeune Robert qui intègre plusieurs formations en partageant son goût du rythm and blues, avant de partir en 1959 pour l’université du Minnesota. Il y suit alors un cursus en Arts.

Lors des années passées à Dinkytown, un quartier étudiant traversé par le mouvement de la Beat Generation, Zimmerman devient progressivement Dylan. Chanteur aux allures de vagabond, il s’inscrit déjà dans le courant de la folk music. Son nom de scène ne fait pas référence au poète gallois Dylan Thomas, mais au prénom de l’un de ses oncles : Dillion. Le déclic se fera en 1961 avec la rencontre d’une de ses idoles, Woody Guthrie, l’un des plus importants songwriters américains de la musique folk. Il commence sa carrière à New York, signé sur la Columbia alors qu’il a juste 21 ans. Bien que son premier album ne lui rapporte rien, la percée se produit en 1963 avec l’album « The Freewhelin’ Bob Dylan » grâce à des titres comme Blowin’ in the Wind, ou Masters of War, brûlots pacifistes qui sortent en pleine guerre du Vietnam.

Bob Dylan entame un virage électrique avec l’album Bringing It all Back Home en 1966, aux accents bien plus rock que les précédents. Il s’entoure alors des musiciens talentueux du groupe The Band et prend son public et les critiques de court. C’est à la fin des années 70, que Bob Dylan se convertit au christianisme en déroutant à nouveau une partie de ses fans. La parenthèse se referme en 1982, où il va reprendre la voie d’un judaïsme assumé et éclairé.

À l’image d’une carrière qui se renouvelle et se repositionne en permanence, fuyant le conformisme ou les sirènes de notre contemporanéité, Bob Dylan accomplit, pierre par pierre, l’œuvre d’une vie qu’il traverse depuis la moitié du 20ème siècle. Cette œuvre est bien celle d’un auteur, d’un poète, d’un musicien et qu’importe la dénomination, le genre, la classification, les polémiques inutiles ou les écrivains en colère… Ils pourraient bien être emportés par le vent.

Ce qui est à écouter et lire de Bob Dylan c’est peut-être la présence et l’héritage d’une âme gardienne, passeuse des temps modernes : une énigme sans réponse.