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Antoine et Simone au Panthéon

Le parcours de Simone et Antoine Veil est au centre de notre dossier. Il est un parcours de l’espérance parce que ce couple aura donné une âme à l’Europe et au judaïsme européen ses lettres de noblesse.

Il faut se féliciter, même si nous arrivons après la vague des hommages et célébrations, du choix du Président de la République de faire entrer le couple au Panthéon. Il n’a pas hésité, il n’a pas attendu, il n’a pas cherché à se demander si ce choix correspondait aux souhaits de l’opinion, à la Doxa ou aux subtils équilibres (combien de juifs au Panthéon ? Combien de femmes ? Combien de centristes ?…) En accord avec la famille, la semaine même du décès, le jour même des obsèques, lors de la cérémonie aux Invalides, dans un discours très sobre mais de bonne tenue, et en concluant ses propos, il a tout simplement annoncé sa décision : c’est le couple qui entrera dans le saint des saints de la République.

En octobre 2013, le Président Hollande s’était fait remettre un rapport qu’il avait commandé intitulé « pour faire entrer le peuple au Panthéon » et qui se plaignait de la faible représentation des femmes et des représentants de la diversité. Il fallait tenir compte de la parité et de la disparité. Ni Hollande avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Claude Brossolette, Germaine Tillon et Jean Zay, ni Macron avec le choix qui a été le sien, n’ont vraiment opté pour ces critères, et c’est heureux qu’il en soit ainsi. Nous avons axé ce numéro sur l’Europe, à un moment où l’Europe vit dans un climat de forte incertitude et en même temps à ce qui pourrait ressembler à un début de promesse. Incertitude avec le Brexit en Grande-Bretagne, le populisme en Hongrie et en Pologne, l’afflux de réfugiés, sans parler de l’islamisme et des attentats. Ce désenchantement, on pourrait le faire remonter à loin, à l’élargissement qui a raté, au refus des Français d’approuver la réforme constitutionnelle qui leur était proposée, et pour certains, les plus pessimistes, au modèle européen qui s’affaiblirait.

Yuval Harrari, ce jeune prodige israélien qui fait assaut de prédictions aussi inouïes que terrifiantes – on ne sort pas indemnes de son livre, Brève histoire de l’avenir – et qui était ces jours-ci à Paris, reçu par le Président Macron, prévoit – entre autres sombres annonces sur la fin des religions, la fin de l’humanisme et la fin de la conscience au profit d’une nouvelle lune appelée « Dataïsme » – que les démocraties libérales, si l’évolution reste la même, vont connaître un effet similaire à la chute du communisme. On verra si notre Pythie des temps modernes voit juste !

En attendant, et « en même temps », la promesse de renouveau est là. L’Europe est dans l’air (le discours d’Athènes en faisait foi) et Alexandre Adler a raison de dire que l’échelle d’intervention et d’action ne se situe plus dans le national mais dans l’européen, y compris notamment pour les questions que doivent affronter les communautés juives dans cet espace-là. Qui ne voit que sur toutes ces questions – islamisme, terrorisme, antisémitisme, montée de l’extrême-droite, essor des populismes – le judaïsme européen est sur le même bateau, confronté aux mêmes dilemmes, appelé à répondre aux mêmes défis ?

Et Luc Rosenzweig a raison aussi de citer, dans ce numéro, ce mot cruel et implacable d’Antoine Veil : « Les gens de ma génération porteront devant l’histoire le regret et la responsabilité d’avoir manqué cette intégration à un moment où la température de fusion des composants permettait sans doute de la réaliser. » On ne peut pas dire mieux !

Bonne année 5778 à tous les abonnés, aux lecteurs et amis de l’Arche !