La commémoration de l’attentat de Pittsburg  |  Israël terre de tourisme !  |  Le monde change. L’Arche aussi. L’édito de Paule-Henriette Lévy  | 
Cinéma

La Fête sens dessus dessous

Après les films Samba (2014), Intouchables (2011) ou encore Nos jours heureux (2006) le duo de réalisateurs Éric Toledano et Olivier Nakache marque son grand retour avec une comédie enlevée, délirante et maîtrisée, intitulée Le Sens de la fête.

 

Emmené par un Jean-Pierre Bacri en grande forme, ce film choral nous invite à suivre la préparation et le déroulement d’une soirée qui part en roue libre vers un bouquet final dans une apothéose mêlée de rires et d’émotions partagés.

Il existe dans Le Sens de la fête une continuité avec la scène d’ouverture de Samba, le précédent film de Toledano et Nakache où l’on suit par un long travelling les coulisses d’un banquet de mariage jusque dans les cuisines du restaurant où le personnage d’Omar Sy s’active derrière ses fourneaux. Ce lien de mise-en-scène saute aux yeux pour suivre cette fois les tribulations de Max interprété par Jean-Pierre Bacri. Max est un organisateur de soirée de mariage, en bout de course, un peu fatigué, un peu blasé, mais toujours au travail. Angoissé par une soirée, peut-être sa dernière, pour un client important dans un château du XVIIe siècle, Max se démène pour gérer les susceptibilités de son équipe. Les événements commencent alors à sérieusement dégénérer pour transformer cette soirée mondaine en l’une des plus mémorables. Pourtant des galas de mariage, Max en a vu et tente par tous les moyens de tenir son équipe aussi forte en grandes gueules, qu’en bras cassés. Une imprévisible et explosive troupe composée de formidables seconds rôles, avec entre autres : Jean-Paul Rouve, Eye Haïdara, Gilles Lelouche ou Vincent Macaigne.

Lors de la projection en avant-première au Cinéma Publicis du Sens de la fête, dans le cadre d’une soirée pour l’Appel national pour la Tsedaka, Éric Toledano cite en préambule le grand réalisateur de comédies hollywoodien Billy Wilder – Certains l’aiment chaud (1959), Sept ans de réflexion (1955) – résumant bien l’esprit de ce nouveau film : « Faites confiance à votre instinct. Il vaut mieux que les erreurs soient les vôtres, plutôt que celles de quelqu’un d’autre. » Ce soir-là, le public chaleureux et conquis démontre, s’il est encore nécessaire, que le duo Toledano-Nakache est des plus remarquables lorsqu’il s’agit de manier l’un des arts les plus exigeant : l’humour. Si la gravité qui traverse Intouchables ou Samba, est presque absente, la légèreté apparente n’efface pas l’humanité qui se dégage de leur nouveau film. Ce qui renvoie à cette autre phrase de Wilder : « Bien sûr il faut de la subtilité, mais veillez à ce qu’elle soit évidente ! »

La conception du Sens de la fête a été entrepris il y a deux ans rappelle Éric Toledano : « Ce film est né dans le contexte assez lourd de l’année 2015. Olivier et moi, étions peut-être un peu tristes et le besoin d’aller vers quelque chose de plus festif s’est fait ressentir. L’enjeu était de rire, de prendre du plaisir, tout en décrivant les travers de la société dans laquelle nous vivons. »

Ce qui différencie le cinéma de Toledano-Nakache des autres productions de comédies françaises, c’est d’arriver à emmener le spectateur vers d’autres émotions que le rire ; tout en évitant les travers vulgaires. D’ailleurs lorsque l’on pose la question des influences cinématographiques, ils préfèrent parler de Claude Sautet. Un film comme Garçon ! (1983) avec cette manière de filmer et de suivre le personnage d’Alex joué par Yves Montand dans les coulisses d’une brasserie parisienne demeure une référence pour les deux réalisateurs.

On pense aussi au final du film à sketches argentin Les Nouveaux sauvages (2015) de Damián Szifron. Sans atteindre l’humour noir et le degré de folie de cette séquence d’un mariage juif tournant au grand guignol, on retrouve dans Le Sens de la fête un clin d’œil au film argentin lorsque Max (Jean-Pierre Bacri) retrouve l’un de ses collègues de profession qui le dépanne et découvre éberlué un autre mariage juif version cowboys et indiens.

La musique écrite et joué par le contre-bassiste israélien Avishaï Cohen pour Le Sens de la fête, accentue cette volonté d’emporter le public dans les situations les plus improbables où se retrouvent les personnages. Naviguant entre improvisation et écriture musicale exigeante, la partition d’Avishaï Cohen ponctue habilement le film et lui donne une dynamique particulière comme lors du concert final impromptu où fusionnent musique indienne et jazz. « Le jazz d’Avishai Cohen est un vrai personnage du film, une musique de mélange, avec des percussions, des darbouka, de la contrebasse, du piano, le tout dans un rythme hors norme. Il illustrait parfaitement cette soirée pleine de surprises et d’imprévus. »

Jean-Pierre Bacri est sans doute le troisième homme du film. Il a porté son concours à l’écriture du scénario, et son interprétation résume tout ce que peut être ce sens de la fête, ce bateau ivre à mener à bon port. Il nous donne à comprendre que l’ensemble des êtres qui mettent en œuvre cette petite entreprise ou qui la composent se valent par la somme de leurs différences et de leurs sensibilités. Et finalement, qu’est ce qu’une soirée de mariage… ou la réalisation d’un film, si ce n’est ce fragile et éphémère édifice ? C’est en cela qu’à eux tous, les acteurs du Sens de la fête forment l’une de ces belles équipes du cinéma français pour une comédie qui fait du bien et qui vient nous éveiller par cette question : « comment, malgré tout, garder ce Sens de la fête ? »

Le Sens de la fête d’Eric Toledano et Olivier Nakache.