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Cinéma

Plaidoyer pour ma télécommande

Il y a celles qu’on fait semblant de ne pas voir, celles autour desquelles on se réunit hebdomadairement en famille, celles de notre enfance qu’on essaye de faire aimer à nos enfants sans avoir l’air trop ringard et puis celles qu’on regarde une fois que les enfants sont couchés.

Alain Granat (fondateur et directeur du site Jewpop) et Jonathan Demayo (auteur et comédien) nous donnent envie de (re)voir toutes ces séries ou du moins d’en rire ou de rire de nous-mêmes qui sommes capables de les regarder. Rencontre avec les deux auteurs du livre Game of Séries (Editions J’ai Lu).

 


L’Arche : D’où vient ce nouvel engouement pour les séries ?

Jonathan Demayo : L’engouement n’est pas vraiment nouveau, mais ce sont les usages qui sont différents. Aujourd’hui, vous pouvez regarder une série sur votre smartphone, dans le métro à l’heure que vous voulez… Il n’y a plus vraiment de rendez-vous quotidien, mais il y a de nouveaux rendez-vous : les dates de sorties des nouvelles saisons de séries. On peut penser à « Narcos » ou à « Stranger Things ».
Alain Granat : Là c’est le néoréac qui va parler, même si je suis entièrement d’accord avec l’analyse de Jonathan sur ce nouveau mode de consommation des séries. Mais elles ont toujours été populaires, à chaque décennie dans un genre évidemment concordant avec l’époque. Et puis la nouveauté n’est pas toujours synonyme de succès : « Columbo » écrase toujours ses concurrents plus récents à chaque rediffusion télé !


Quelle est la série contemporaine peu connue que vous conseillez le plus ?
Jonathan : Perso j’adore « Oui Oui » mais ce n’est ni contemporain ni peu connu… Je dirais que « The Knick » (série sur les débuts de la chirurgie) est quand même une série particulièrement réussie, qui gagnerait à être connue. 
Alain :
Je viens de découvrir une formidable série policière américaine, « The Night of », où John Turturro incarne un avocat minable qui se promène par tout temps en sandales Nike à scratch, car il souffre d’eczéma sur les pieds. Uniquement 8 épisodes, mais à voir absolument ! Sauf si vous souffrez d’eczéma !Quelle est votre série honteuse préférée ?

Jonathan : J’ai honte mais j’adore « Walker Texas Ranger ». Ça doit venir de l’enfance quand la série passait après le journal de Claire Chazal le dimanche, après un bon repas chez mes grands parents. Proust avait sa madeleine, moi j’ai Chuck Norris !
Alain : Je n’ai pas de séries « honteuses », mais il m’arrive de taper sur YouTube « série turque », « série congolaise » ou « série malaisienne », je tombe sur des trucs vraiment fascinants, surtout en vo non sous-titrée.

Comment expliquez-vous le succès des séries israéliennes ?

Jonathan : Les Israéliens n’ont pas beaucoup d’argent pour faire des séries, ça les poussent à être plus imaginatifs au niveau du scénario. Quand les Américains font une course poursuite en voiture, les Israéliens vont plutôt la raconter, c’est moins spectaculaire mais ça laisse place à l’imagination. Du coup, chez les Israéliens, on se retrouve très souvent dans le suspense, dans la tension.
Alain : C’est bien la preuve que les médias sont tenus par les juifs, qui se serrent les coudes entre eux.

 

Les séries ont-elles permis de faire évoluer les mentalités concernant les préjugés racistes ou concernant l’orientation sexuelle ?

Jonathan : Je n’en suis pas si sûr. Je crois qu’évidemment les mentalités évoluent au fil des générations, reste que la mise en scène d’un couple gay dans « Modern Family » ne va pas convaincre les homophobes de cesser de détester les homos. Je ne pense pas que ce soit eux qui regardent ce genre de série d’ailleurs, mais si ce sont leurs enfants, alors il y a de l’espoir.
Alain : Lorsqu’on était en phase d’écriture du livre, on avait pensé à une parodie de page « antiraciste » dédiée aux « minorités invisibles », en imaginant ce que deviendraient certaines séries comme, par exemple, « Chef », où son acteur principal Clovis Cornillac serait remplacé en cuisine par un acteur français d’origine pakistanaise. Mais on s’est dit qu’on n’arriverait pas à changer les mentalités… Il faut bien l’avouer, le combat est loin d’être gagné pour les acteurs d’origine pakistanaise.