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Le nouvel Arche est arrivé

LE MAL QUI RONGE

Il nous faut revenir à l’antisémitisme. On a beau chercher à s’en extraire, il n’y a pas d’échappatoire. Il faut affronter la réalité. Et la réalité, c’est ce sondage sur l’antisémitisme dont nous parlons dans ce numéro avec Dominique Reynié. On a beau jeu de titiller l’auteur du sondage sur les conditions de sa réalisation, sur la représentation de l’échantillon ou sur la forme des questions posées. Les résultats sont-ils de nature à surprendre qui que ce soit, en dehors des naïfs et de ceux qui refusent de voir ce qu’ils ont sous les yeux ?

La réalité, c’est aussi ce qui s’est passé à Créteil, dans ce quartier du Port où un couple de jeunes a été agressé dans des conditions atroces. On a revécu des scènes similaires à ce qu’a endurées le jeune Ilan Halimi, la mort en moins, le viol en plus, mais un palier supplémentaire a été franchi. Des gens ont été attaqués chez eux, dans leur maison, dans leur for intérieur. Alors, bien entendu, tous ceux qui s’endormaient entre deux poussées de fièvre (qui a été voir le film d’Alexandre Arcady sur Halimi ? Qui a eu le courage d’affronter ces images ? Qui s’est fait un devoir de soutenir le cinéaste ?), tous les sceptiques professionnels vous diront encore une fois que c’est un acte crapuleux comme tant d’autres, que c’est un fait divers comme il y en a des centaines tous les jours à travers la France. Tous ceux-là ne voient pas que le mal gagne en durée, en surface et en profondeur. Que la pression s’étend. Que le périmètre se resserre. Cet été, c’était Sarcelles qui s’enflammait. Trois mois après, c’est Créteil. Deux villes à forte population, juive. Deux villes où il faisait bon vivre et où le « vivre ensemble » était donné en exemple. Jusqu’à quand devra-t-on assister à la série macabre de ces villes de France entachées ?

Beaucoup de Français, beaucoup de juifs français, beaucoup d’Israéliens, beaucoup d’hommes de bonne volonté de par le monde sont favorables à la solution de deux États au Proche-Orient, israélien et palestinien. Mais qu’a-t-il pris aux députés socialistes de se lancer dans l’urgence, toutes affaires cessantes, sans nuances et sans conditions, suivis aussitôt par les sénateurs, dans l’élaboration d’une résolution unilatérale appelant à la création d’un État palestinien ? Cette résolution n’est pas juste, elle n’est pas utile et elle est contre-productive.

Elle n’est pas juste parce qu’elle ne s’adresse qu’à une partie du conflit en lui demandant de reconnaître un État palestinien sans la moindre exigence à son endroit. Elle n’est pas utile parce que formuler l’idée d’une reconnaissance unilatérale en ajoutant que cela doit aider à la reprise des négociations est antinomique. Elle est contre-productive parce qu’elle n’aide pas la partie de l’opinion israélienne favorable à la solution de deux États. On a suffisamment salué ici la politique proche-orientale de François Hollande, les positions modérées exprimées lors de son voyage en Israël, pour le dire sans ambages cette résolution est une erreur.

Les Israéliens vont donc se rendre aux urnes le 17 mars prochain et vont décider du sort et de l’avenir des négociations. Il n’est pas sûr que Benyamin Netanyahou ait eu la main heureuse en décidant une dissolution et des élections anticipées deux ans et demie avant l’échéance (en France, il y a quelques années, cela n’avait pas beaucoup réussi à Jacques Chirac). Nul ne sait ce qui sortira des urnes, par définition, mais l’expérience de la société israélienne en la matière est plutôt de bon augure. Dans son ensemble, le corps électoral israélien s’est souvent montré avisé, perspicace, soucieux de saisir les ouvertures quand il y en avait en face, et de durcir sa représentation quand les temps étaient à la dureté.

Dans l’Orient compliqué, les choses ne sont pas aussi simples qu’on veut bien le croire au Palais Bourbon. Israël est certes devant des choix cruciaux, engageant son avenir, son image, ses fondements, mais il a toujours su préserver, contre vents et marées, par temps de guerre comme par temps de calme, son attachement à la démocratie. C’est son bien le plus précieux. C’est sa fierté. C’est sa force. Et c’est aussi ce qui fait son rayonnement.