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Antisémitisme

Le Cercle de paix

Un évènement exceptionnel a eu lieu à Oslo le 21 février dernier : bravant le rigoureux hiver norvégien, près de 2000 musulmans se sont assemblés à l’issue du shabbat pour former une chaîne humaine autour d’une des principales synagogues de la ville. Après l’attentat contre la synagogue de Copenhague au cours duquel Dan Uzan a trouvé la mort, ils entendaient manifester leur soutien aux Juifs et leur opposition à toute forme de violence perpétrée au nom de l’Islam. Les fidèles juifs et la foule nombreuse qui ont assisté à l’événement ont eu droit à un spectacle surréaliste : des jeunes filles en foulard, des jeunes gens barbus et coiffés de couvre-chefs traditionnels, des jeunes laïcs se sont donnés la main pour entourer la synagogue d’un cercle de solidarité. L’événement a été transmis en direct à la télévision norvégienne. Il a été largement couvert par la presse internationale, particulièrement dans les pays scandinaves, en France et en Israël.

« Fredens ring », « Cercle de la paix » : les neufs jeunes musulmans norvégiens qui ont créé sur facebook le groupe du même nom n’imaginaient sans doute pas le succès qu’allait avoir leur initiative. Relayée par les médias et les réseaux sociaux, l’annonce de la manifestation qu’ils ont organisée s’est vite répandue. La plate-forme qui expose leurs motivations illustre l’esprit qui les a animés : « L’Islam a pour but de protéger nos frères et nos sœurs, quelle que soit leur religion. L’Islam prescrit de prendre la défense les uns des autres. Nous, musulmans, voulons montrer que nous déplorons profondément la haine des Juifs et que nous sommes là pour les soutenir. Rejoignez-nous sur le page du « Cercle de paix » ! »

Thomas Naustdal, l’un des initiateurs du Cercle, a exprimé sa gratitude envers ceux qui ont participé à cette manifestation : « C’était si extraordinaire de voir tous ces musulmans et le public norvégien dans son ensemble se rassembler par milliers pour apporter leur soutien à l’idée que nous n’avons pas d’autre choix que de vivre ensemble, quels que soient nos désaccords sur le plan politique. Cette manifestation a montré que nous pouvons mettre de côté les différences qui nous séparent pour proclamer la valeur suprême de l’humanité qui nous est commune. » La lecture du message du père de Dan Uzan, le discours de Hajrah, lycéenne âgée de 17 ans membre du comité organisateur ont compté parmi les moments forts de la manifestation. Michael Melchior, grand-rabbin de Norvège, a prononcé le discours de clôture : « A la fin de la prière, nous avons décidé de faire la havdalah (bénédiction qui marque la sortie du shabbat) dans la rue où se trouve la synagogue…L’un après l’autre, les jeunes organisateurs ont appelé à reprendre en main l’Islam au nom duquel ils disent « non » à l’antisémitisme, « non » à l’islamophobie, « oui » à la construction d’une société commune. Leur cercle de paix brise le cercle de la peur et de la haine qui mène à l’effusion de sang et au meurtre. »

Le « cercle de la paix » a été le fruit de la coopération entre les musulmans et la communauté juive de Norvège. Son président, Ervin Kohn, en a fait ressortir l’importance : « Le fait que des Musulmans manifestent ainsi contre l’antisémitisme est unique et cela nous remplit d’espoir ». De son côté, Thomas a émis le vœu suivant : « Nous espérons que notre initiative pourra en inspirer d’autres afin que l’on puisse faire un pas de plus sur le chemin du dialogue et du vivre-ensemble ». On ne peut que souhaiter qu’il en soit ainsi et que les synagogues de France soient entourées de cercles musulmans de paix.

Tout en saluant la courageuse initiative de Thomas et de ses amis, on peut se demander si elle aura un lendemain. Le temps d’une manifestation, des musulmans qui soutiennent la cause palestinienne et des Juifs résolument pro-israéliens ont su mettre de côté leurs différends. Mais est-il possible de le faire à plus long terme ? Lutter contre le nouvel antisémitisme qui prône une haine du Juif qui va de pair avec la haine de l’Etat d’Israël : tel est le défi qu’auront à relever les « cercles de paix ».