Le boycott des universités et autres structures académiques, ainsi que des artistes israéliens, proposé en Belgique, est tout à fait inédit. La filiale belge du groupe BDS, propagateur infatigable du boycott d’Israël, a décidé en effet d’inclure dans son action radicale ces institutions qui, en Israël sont pourtant de véritables pôles de contestation de la politique israélienne d’occupation des territoires conquis en 1967. Une pétition a donc récemment été lancée dans le cadre d’une campagne appelée Belgian Campaign for an Academic and Cultural Boycott of Israel, BACBI en abrégé. (*) Une pétition qui préconise de « s’abstenir de participer à toute forme de coopération académique et culturelle, de collaboration et de communauté de projet avec les institutions et entités de recherche israéliennes », même s’il est précisé que cela ne vise pas les universitaires israéliens individuels.
Elle a recueilli à ce jour quelque 425 signatures dont un certain nombre, certes limité, sont relativement connues. On précisera qu’elle a été initiée par une poignée d’universitaires belges dont le Pr Herman De Ley, de l’Université de Gand, webmaster d’un site qui contient notamment des liens vers celui du Hamas, raison pour laquelle Leonard Cohen, pourtant peu susceptible d’être qualifié de raciste ou d’homme de droite, a refusé le titre de Docteur honoris causa qui lui a été proposé par l’Université de Gand.
BDS Belgium a récemment interpellé l’Université catholique de Louvain (UCL), dont les membres sont (trop) peu nombreux sur cette liste, afin que celle-ci « mette fin à tout accord existant avec les universités israéliennes, et ce surtout au niveau du partenariat de mobilité étudiante, ce tant qu’Israël continue à bafouer les droits de l’homme de manière discriminatoire ».
On est donc bien au-delà d’un ciblage du gouvernement Netanyahou et de sa politique à l’égard des Palestiniens. Ce boycott scandalise tout autant les partisans du Camp de la Paix, pourtant adversaires acharnés de l’occupation et de la politique de colonisation.
Ce qui est en cause dans ces appels répétés au boycott d’Israël, c’est le maniement de deux poids, deux mesures, ce que les Anglo-Saxons appellent la politique des doubles standards.
Ce qui est en cause, ce n’est pas la critique de la politique israélienne en soi, mais l’absence totale d’une indignation du même ordre face au comportement de toute une série d’autres Etats dans le monde. Faut-il rappeler, à cet égard, l’annexion pure et simple du Tibet par la Chine il y a plusieurs décennies déjà, ou les agressions récentes de la Crimée et de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, deux exemples particulièrement parlants parmi de nombreux autres?
Un autre exemple frappant de ce jugement selon des doubles standards est tout ce qui se dit et s’écrit sur le « mur de la honte » entre Israël et la Cisjordanie. Des dizaines d’autres murs du même type ont été érigés dans le monde, sans que cela ne suscite des réactions du même ordre.
On apprenait ainsi il y a quelques jours, en lisant Le Monde, que « la Hongrie ferme sa frontière avec la Serbie et veut construire un mur anti-immigration » ou que la Tunisie construit un mur à sa frontière avec la Lybie. Des exemples parmi tant d’autres, très peu commentés par nos belles âmes.
Mieux ou pis encore, un projet de mur à la frontière belgo-française a été annoncé récemment, dans le but d’éviter l’entrée de Roms en Belgique, impliquant la ville de Mouscron pour être précis.
Pour en revenir à la pétition elle-même, elle affiche des signatures plus que douteuses. Ainsi, parmi d’autres, celle de l’ineffable Pierre Galand (lire l’article « Le boycott, arme de persuasion massive ! » de Sara Brajbart-Zajtman) ou celle de Gie Van den Berghe, personnage plus que douteux, auteur d’un livre intitulé « L’exploitation de l’Holocauste » qui qualifie Yad Vashem de « Disneyland de la souffrance juive » et qui parle de « l’enjuivement constant » de la Deuxième Guerre Mondiale et de l’ « Holocauste sioniste ». Cet auto-proclamé « éthicien » (sic !) a tenté, avec quelques autres, d’imposer une version révisionniste du Musée Juif de la déportation et de la résistance implanté sur les lieux mêmes de la déportation, la Caserne Dossin (le Drancy belge) Malgré l’ambiance malsaine qui règne en Flandre à ce sujet, le projet nommé « Transit Mechelen » n’a heureusement pas abouti.
On devine par avance ce que diraient les initiateurs de la pétition de boycott pour se laver de toute accusation d’antisémitisme, à savoir que des Juifs figurent parmi les signataires.
Accepter cet argument fallacieux c’est faire fi de la très spectaculaire haine de soi qui a toujours eu cours dans certaines franges des communautés juives. On lira à ce sujet l’ouvrage de référence de Theodor Lessing, intitulé « La haine de soi juive » (Jüdisher Selbsthaß – éditeur ?) et où il souligne notamment que « le peuple d’Israël est le premier, le seul peut-être de tous, qui ait cherché en soi-même la coupable origine de ses malheurs dans le monde ». A cet égard, rappelons-nous le Viennois Otto Weininger, penseur juif de la fin du 19ème siècle, auteur d’écrits que les nazis n’auraient pas désavoué. Certes, nous diront d’aucuns le boycott d’Israël est également prôné par certains en France, mais la Belgique n’est en rien comparable à la France. En Belgique, les Juifs croient rêver lorsqu’ils apprennent que naguère non seulement Martine Aubry, première secrétaire du PS, s’opposait au boycott, mais que la CGT aussi le refusait. De ce côté-ci de la frontière nous vivons avec un président du PS qui, après l’attentat à Charlie Hebdo a cru bon de déclarer : « Je suis Charlie, je suis Juif, je suis Palestinien » et où l’idée de boycott d’Israël ne suscite pas la moindre opposition active en dehors de la communauté juive.
(*) http://www.bacbi.be/bacbi-intro-fr.htm
