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France

Hommage à Raphaël Draï

Comment pouvait-on ne pas l’aimer ? Nous l’aimions pour sa droiture, pour sa piété, pour sa proximité avec chacun, pour ses engagements et pour son courage, pour sa fidélité, pour son sens de l’amitié.
Je garde le souvenir de ses dernières interventions. Pour l’inauguration d’un monument dédié aux juifs d’Algérie, à ceux qui n’avaient pas de sépulture. Il a veillé à ce monument, dans une allée de Pantin où étaient consignés les noms des disparus. C’était un intellectuel, un homme de l’étude, un agrégé de droit et enseignant en sciences politiques, mais c’était aussi un homme de cœur.
Je garde le souvenir de son dernier ouvrage, le plus abouti et celui qui résume le mieux la totalité et la richesse de son parcours, « Topiques sinaïtiques », où il disait que le Sinaï est d’abord un lieu où on s’élève, où on connaît une élévation spirituelle. Il évoquait dans ce livre le geste qui consiste à se fermer les yeux pour réciter le « Shema ». Un geste d’intériorité. Dans une société où tout est extérieur, où tout est fuite en avant, il y a ce moment où peut se déployer une intériorité. Nous avons parlé ensemble sur RCJ de ce « Libavtani » (« tu m’as énamouré »), du « Cantique des Cantiques », et il avait eu ces mots : « Pour aimer, il faut avoir un cœur, mais pour avoir un cœur, il faut aussi aimer ». Il avait dédié cet ouvrage à son épouse et il avait eu des mots très tendres pour elle.
Il savait se montrer opiniâtre, intransigeant quand il le jugeait nécessaire. Il a collaboré à l’Arche pendant de nombreuses années et a été au premier rang de ceux qui ont bataillé pour la survie du magazine (cette survie lui doit beaucoup, comment l’oublier ?).
Je me souviens de rencontres avec lui dans les studios de Radio Notre dame ou de la Radio protestante. On le trouvait toujours ouvert au dialogue, mais sans jamais rien renier de ce en quoi il croyait.
La dernière fois que je l’ai vu chez lui avec son épouse, c’était peu de temps avant la rechute. Il bouillonnait de projets. C’était un « battant » qui n’allait pas baisser les bras et qui allait mener cet ultime combat comme il avait mené les autres, avec détermination et sans faiblir. Il venait de publier le texte d’une pièce de théâtre sur la Judée au temps de Jésus dont il était très fier, et il formulait l’espoir qu’il puisse un jour la voir monter sur scène. Mais il continuait d’écrire, travaillait sur Paul, avait des projets de livres. Nous avons parlé de ses prestations à l’émission « C dans l’air » d’Yves Calvi, dont il était un habitué. Ce n’était pas facile toujours, de trouver la tonalité juste tout en ne concédant rien de ses convictions qu’il avait solidement attachées. Il n’a jamais renoncé à dire ce qu’il pense, quand il s’agissait de l’essentiel. Et l’essentiel pour lui, c’était l’amour d’Israël dont il était pétri.
Il laisse bien des choses en héritage. Dont celles-ci, utiles dans les temps que nous vivons : le goût de la politique, l’amour de la chose publique, les vertus de l’action pour s’opposer aux vents mauvais, la confiance dans la possibilité d’infléchir les tendances et de contrecarrer les dérives.
A tous les moments difficiles, il a été là. A chaque épreuve que nous traversions, on entendait sa voix. Claire, exigeante, généreuse, entière.
Il est parti trop tôt. Et son départ est une perte infiniment triste !