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France

Roger Cukierman : « La proposition d’observateurs sur le Mont du Temple est ridicule »

Entretien avec le président du Crif.

 

L’Arche : Que pensez-vous de la prochaine publication en France de Mein Kampf ? Vous avez récemment déclaré à une radio que vous étiez opposé à cette publication.

Roger Cukierman : On ne peut pas s’opposer à la loi. A partir du moment où cela tombe dans le domaine public… Evidemment, cela permettra à certains mauvais esprits de trouver des « arguments » supplémentaires pour exprimer leur haine des juifs. Ceci dit, il ne faut pas non plus exagérer l’importance de cet événement car aujourd’hui la haine des juifs se pratique de moins en moins dans les livres. Elle se fait de plus en plus sur internet. Pour nous l’ennemi d’aujourd’hui sont les messages de haine diffusés par centaines de milliers, par millions sur la toile. C’est ce qui nous préoccupe le plus. On me dit qu’il y aura autour du livre des commentaires explicatifs pour attirer l’attention sur la dangerosité de ce livre. C’est mieux que rien. Néanmoins, cela n’empêchera pas les gens de se précipiter sur le texte lui-même. Il est triste de constater que nous assistons au même danger. C’est la suite. Il y avait eu la Nuit des dix milles couteaux du temps des nazis. Aujourd’hui les couteaux coupent les têtes et agressent les juifs sur le territoire israélien. Il s’agit des mêmes couteaux, du même fanatisme, de la même haine du juif. Malheureusement, la guerre continue.

 

Vous avez participé devant l’Ambassade d’Israël à une manifestation de soutien aux victimes israéliennes du terrorisme. Etes-vous satisfait de la mobilisation ?

On est toujours satisfait quand on a l’occasion d’exprimer publiquement son amour d’Israël, son soutien au peuple israélien et notre solidarité avec les victimes et les familles des victimes auxquelles nous pensons. C’était l’occasion de s’exprimer. Il y avait du monde, peut-être pas assez, mais ça c’est le propre de toutes les manifestations de rue aujourd’hui. En tout cas il y avait une atmosphère chaleureuse, des discours très engagés. On avait le sentiment que les Français juifs sont avec Israël et qu’ils partagent les souffrances du peuple israélien.

Ce que j’ai dit en substance, c’est que j’étais heureux d’avoir l’occasion de dire avec tout le public présent notre amour d’Israël et notre solidarité à l’égard de son peuple face à la vague de violence barbare à laquelle on assiste. Quand des jeunes attaquent au couteau des hommes, femmes et enfants avec la volonté de tuer, cela montre une barbarie qui surprend. On peut se poser la question : D’où vient cette barbarie ? Il y a différentes sources. Cela fait des années que les écoles palestiniennes enseignent la haine des juifs, avec des financements européens. Depuis des dizaines d’années, l’Europe verse des centaines de millions d’euros pour les écoles palestiniennes sans même exiger qu’on supprime des programmes la haine des juifs. Et puis il y a les parents de certains élèves qui n’accomplissent pas leur mission de parents. Les enfants ne sont pas nés antisémites. Ils le sont devenus parce qu’ils ont entendu des propos à l’école, à la maison ou dans les médias. Les dirigeants palestiniens honorent de toutes les manières possibles les terroristes et en font des martyrs. Ils encouragent ainsi d’autres terroristes à s’agiter. On sait aujourd’hui qu’internet est une école de formation au djihad. Au nom d’Allah et de la mosquée d’El Aqsa on attaque les juifs. Ce sont les causes. Et puis les conséquences sur notre vie en France sont palpables par le comportement des médias. Beaucoup de médias, pas tous heureusement, ont tendance à mélanger agresseurs et victimes. Et même à aller au-delà en disant que les agresseurs sont des victimes et les victimes des agresseurs. On est dans une inversion de la réalité qui fait frémir, qui inquiète. Cette énumération des causes et des conséquences nous donne le sentiment qu’on est vraiment seuls au monde, les juifs comme Israël. Israël est le juif des nations. Ca fait 3000 ans que ça dure. On a traversé les pogroms, l’Inquisition… pour se retrouver de nos jours dans un monde hostile. Mais on survit parce que l’on doit défendre notre dignité d’homme et notre dignité de juif. C’est ce qu’on fait en étant présent à cette manifestation et en étant présent sur tous les plans.

 

Qu’avez-vous pensé de la proposition de Laurent Fabius d’envoyer des observateurs sur le Mont du Temple ?

Je trouve qu’il se ridiculise. Lorsqu’on fait des propositions, dans quelque domaine d’activité qu’il s’agisse, tout en sachant que l’on recevra une réponse négative, c’est ridicule. A quoi ça rime ? Je suis déçu que Laurent Fabius ait confirmé cette demande. Je trouve cela lamentable.

 

C’est une demande qui semble installer un froid entre Paris et Jérusalem.

Elle ne fait pas avancer le schmilblik puisqu’il y a un refus. Cerise sur le gâteau, on demande maintenant aussi à l’Unesco de considérer que le Mur des Lamentations fait partie du Mont du Temple. On arrive à des aberrations.

 

Vous allez tenir la convention nationale du Crif le 1er novembre. Quels sont les thèmes de force qui vont être évoqués ?

C’est un moment de réflexion, de dialogue avec des personnalités éminentes. Il y a une liste impressionnante de grands esprits qui participeront à cette journée. Nous avons 57 intervenants, indépendamment des modérateurs. Des historiens, intellectuels, des politiques de droite comme de gauche cela va de soi. On va évoquer toutes les questions contemporaines : le Front National, le vivre ensemble, la situation en Israël, la diversité… en essayant de placer cela au plus haut niveau possible. Nous avons de nombreux panels. A moins de deux semaines de l’événement nous avons déjà près de 1000 inscrits. On aura parallèlement une trentaine d’auteurs qui dédicaceront leurs livres. Parmi les personnalités présentes se trouvera Anouar Kbibech, le président du Conseil français du culte musulman, qui remplace Dalil Boubakeur. Je suis très heureux de voir à quel point Anouar Kbibech exprime la volonté de dire les choses franchement, de participer avec nous au dialogue. On a en lui un véritable partenaire. Dans le monde de l’entreprise, on peut noter la présence de Clara Gaymard, PDG de General Electric, qui viendra parler de la diversité dans le monde de l’entreprise. Tous les courants de pensée pourront s’exprimer et j’en suis très heureux.