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Religion

Islamitude et Jihad

L’islamitude ou la compassion pour une population marginalisée est particulièrement vive en Belgique. Elle déresponsabilise les délinquants et favorise les courants frèristes ou, parfois, le Jihad.

Dès 2002, la communauté juive de Belgique tirait la sonnette d’alarme et déposait plainte contre les animateurs du site Internet du Centre islamique belge de Molenbeek, Assabyle.com. Celui-ci diffusait des appels au meurtre des Juifs et minimisait la Shoah. Le procès fut éprouvant pour les plaignants.* Ce Centre est bien connu de la justice belge. En 2001, il avait servi de filière aux meurtriers du commandant Massoud, assassiné deux jours avant les attentats contre les Twin Towers. Il restera dans le collimateur de la justice pour l’envoi de kamikazes en Irak et en Syrie. Légalement démantelé en 2012, on reparle de lui dans les récents attentats.

A l’issue d’un procès particulièrement éprouvant pour les plaignants, les animateurs du site Internet Assabyle.com, diffusé par le Centre islamique belge de Molenbeek, sont condamnés en 2006 devant le Tribunal Correctionnel à 10 mois de prison ferme pour antisémitisme, révisionnisme et incitation à la haine raciale sur base des lois de 1995 sur le négationnisme et de 1981 contre le racisme et l´incitation à la haine raciale. En 2009, sous prétexte d’islamitude, le pusillanime président de la Cour d’appel réduit leur peine à un mois. En 2010, des perquisitions chez des membres gravitant autour du Centre islamique belge de Molenbeek permettent de découvrir des manuels d’initiation au terrorisme ainsi que des armes. Ils sont condamnés en 2012 à huit ans de prison ferme. L’un des condamnés travaillait pour les services de sécurité du Parlement européen et était passé par la Syrie. Au cours du même procès, on retrouve un des gestionnaires du site antisémite, Assabyle.com. Il sera condamné par contumace. Peu avant son procès, il s’enfuit en Syrie y rejoindre un groupe salafiste qui lutte contre Assad mais aussi contre l’Armée Syrienne Libre et revendique un Etat islamique. Il y trouvera la mort. Même sort pour un des autres accusés du procès intenté par la communauté juive, la plupart membres du Collectif Dialogue & Partage.

Depuis déjà une quinzaine d’années, dans son rapport annuel destiné aux parlementaires, le Comité P (organisme de contrôle permanent de l’activité des services de police) signalait la montée du radicalisme sur fond de délinquance et de criminalité dans la zone ouest de Bruxelles. Il réclamait aussi plus de moyens pour agir sur les causes. Il signalait l’urgence d’encadrer cette population paupérisée et marginalisée, en particulier sa jeunesse, souvent en rupture scolaire, évoluant au sein d’un milieu familial chaotique et privée de ressources économiques. Quelle fut la réponse du monde politique? Hamid Benichou, policier et fondateur du groupe Initiatives Citoyennes pour un islam de Belgique (ICIB) :« Le pouvoir politique a confié la gestion des problèmes d’ordre socio-économique au pouvoir religieux. Qu’ont fait les mosquées avec les subsides reçus ? Elles ont suscité l’éveil religieux selon les préceptes wahhabites ou salafistes, à savoir un Islam intolérant et violent. Face à celui-ci, un autre Islam a émergé, celui des Frères musulmans. Ils partagent le même objectif : la restauration du califat. Seuls, les moyens divergent. A la lutte armée, les frèristes préfèrent s’arroger les postes à responsabilité, créer des ONG reconnues et subsidiées, conquérir tous les niveaux de pouvoir en particulier politique et médiatique. » L’étude de la frèrosphère est éclairante sur leurs méthodes d’entrisme et leurs champs d’action, dont l’antisionisme sous couvert de soutien à la cause palestinienne. (1)

Actuellement, un débat déchire la fédération PS de la Région Bruxelloise: « Peut-on afficher des signes religieux dans l’administration publique ? » Le député-maire de la Ville de Bruxelles, Yvan Mayeur, (PS) est catégorique : « Le principe de séparation de la religion et de l’Etat doit être appliqué sans restriction. » Les autres députés PS de culture arabo-musulmane y sont soit opposés soit réservés. Ce test douloureux est proposé à l’ensemble des parlementaires bruxellois à l’initiative du MR, parti de Centre droit. On saura alors quel est le principe qui prévaut: se soumettre aux pressions des religieux de son camp au risque d’affaiblir son parti et de discréditer son engagement citoyen ou, au contraire, affirmer haut et fort que le principe de laïcité ne souffre aucune restriction et que l’égalité hommes-femmes est irréversible dans nos régions ? Voilà qui demande un certain courage intellectuel et politique. Surtout face à l’engouement de nos médias et de nos animateurs culturels pour le prédicateur Tarik Ramadan et ses disciples, défenseurs d’un Islam conservateur.

Cet enthousiasme a aussi fait, jusqu’il y a peu, la notoriété de Yacoub Mahi, professeur de lycée, chouchou de nos écrans francophones. Accusé par un élève d’avoir comploté pour que ses condisciples boycottent la minute de silence en mémoire des victimes de Charlie Hebdo, il s’est justifié en appelant Garaudy, son maître à penser, à la rescousse. Après une suspension provisoire, il est réintégré en juillet dernier (2). En Belgique, la tolérance envers les idées antisémites est grande. Surtout quand elles émanent de membres de la communauté arabo-musulmane. Comme dans beaucoup de pays européens, la Belgique souffre d’islamitude. Sous prétexte de ne pas discriminer davantage une population démunie, on accepte de justifier l’injustifiable. Ainsi, lors de l’agression, la semaine dernière, de Jean-Pierre Martin, grand reporter de RTL-TVI, en présence des caméras de France3, alors qu’il enquêtait sur les dernières arrestations liées aux récents attentats de Paris. Les messages de solidarité avec les agresseurs ont fleuri sur les réseaux sociaux: « Que voulez-vous, il faut comprendre les réactions violentes de cette famille ou de ses amis, éprouvés d’avoir appris la mort de leur fils et frère, Chakib Akrouh. » On parle ici du membre du gang des terrasses, complice d’Abaoud et récemment identifié. Islamitude, quand tu nous tiens ! Une plainte des parents d’une des victimes du Bataclan vient d’ailleurs d’être déposée contre l’Etat belge pour comprendre pourquoi les auteurs belgo-marocains des attentats du 13 novembre, repérés par la police, fichés, ont pu circuler si librement.

C’est aussi au nom de cette islamitude que toute critique est rapidement taxée du concept confus d’islamophobie, que les théories du complot ont le vent en poupe et que certains journalistes sont qualifiés de « sionistes! » Cette islamitude fait l’économie du libre arbitre et de la responsabilité de ses actes, ne permettant pas l’émergence d’un Islam que des érudits musulmans réclament. Ainsi, le chercheur liégeois Radouane Attiya prône un schisme au sein de l’Islam de Belgique. Il espère qu’émerge un Islam où des penseurs comme Abdelwahab Meddeb ou Abdennour Bidar auront droit de cité, favorisant ainsi la pluralité des opinions et l’esprit de tolérance. On en est loin. En Belgique, l’extrême-droite est insignifiante mais le PTB (parti d’extrême-gauche) attend en embuscade pour recueillir les votes des mécontents de tout bord et joue l’alliance avec les Frères Musulmans en soutenant leurs principes les plus réactionnaires.

*Le procès fut émaillé d’incidents provoqués par leur défenseur qui, sur ordre du bâtonnier, dut retoquer deux fois ses conclusions, pour antisémitisme. Depuis, cet avocat s’est fait connaître comme l’avocat des islamistes. Il défend notamment Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de l’attentat contre le Musée Juif de Belgique, en mai 2014, qui a fait quatre victimes.

(1) Dossier de l’hebdomadaire Le Vif du 17 janvier 2016.

(2) Depuis, Mahi est à nouveau suspendu suite à une plainte pour attouchements sur des élèves.

 

Viviane Teitelbaum, députée et échevine des finances et du commerce à Ixelles et auteure de livres sur l’antisémitisme en Belgique (dont récemment « Je ne suis pas antisémite mais… » (Editions Pire)

« J’ai co-signé une proposition d’ordonnance du MR pour interdire le port de signes convictionnels ostentatoires au sein de la fonction publique et des organismes d’intérêt public en région bruxelloise. La fonction publique doit être assurée dans le respect d’une stricte impartialité et toute personne qui participe à l’exercice de l’administration doit refléter cette neutralité dans son attitude, son comportement et ses vêtements. Nos propositions entendent ainsi confirmer le principe de neutralité en ce qu’il s’applique aux agents et préposés des pouvoirs publics.

A travers nos textes il s’agit aussi de veiller au principe de proportionnalité entre, d’une part, la liberté d’expression et la liberté religieuse et philosophique garanties par la Constitution et, d’autre part, l’obligation de neutralité des pouvoirs publics, en ce qu’elle limite l’interdiction aux signes convictionnels ostentatoires pour les fonctionnaires. Les usagers des pouvoirs publics doivent avoir le sentiment que l’impartialité des agents existe dans l’exercice de chacune des fonctions exercées, que celles-ci nécessitent ou non un contact avec le public. »