Le dernier livre de Daniella Carmi « La Famille Yassine et Lucy dans les cieux », qui paraît aux éditions de l’Antilope, emprunte son titre à la chanson des Beatles « Lucy in the Sky with Diamonds » (L.S.D pour les intimes).
Lorsque la bande des quatre garçons dans le vent ou des cafards de Liverpool, c’est selon, enregistrent en 1967 l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band contenant ce titre légendaire dans les studios d’Abbey Road, c’est une véritable déferlante psychédélique qui s’abat sur l’Angleterre et dans le monde. Une folie douce entamée par une joyeuse et mystérieuse parade à l’image de ce que va provoquer un petit garçon juif autiste, Nathanaël, propulsé dans sa famille adoptive.
Nadia et Salim, tout deux musulmans et arabes israéliens, ne peuvent pas avoir d’enfants. Ils entament une procédure d’adoption avec toutes les difficultés que ce parcours peut impliquer. Lorsque un jour, arrive chez eux un garçon de huit ans. Il manifeste très vite son intérêt pour les grandes assiettes de fraises ou pour le figuier planté au centre du jardin sur lequel il se blottit la nuit venue tel un Baron perché. Depuis son observatoire, il observe chaque nuit la voute étoilée en chantant à tue-tête grâce à la seule langue avec laquelle il communique avec l’extérieur ; un langage « Beatles » pétri de mots tirés des chansons telles que Yellow Submarine ou Strawberry Fields forever. Ce code secret devient le moyen par lequel l’enfant va commencer à communiquer avec ses parents adoptifs. Ils tentent de déchiffrer ces mots anglais prononcés de-ci de-là par Nathanaël, afin de comprendre quelque chose. Peut-être qu’ainsi l’enfant aime à leur dire : d’où il vient ou qui il est. La couple adopte ce nouveau monde, un monde que Daniella Carmi décrit comme spirituel. Une issue aussi pour ces trois personnages afin d’éprouver et de ressentir progressivement l’harmonie d’une famille réunie.
Daniella Carmi est née en 1956 à Tel Aviv, de parents juifs polonais-francophones. Elle est l’auteure notamment du roman Samir et Yonathan (Hachette Jeunesse/2002), qui traite des difficiles mais possibles rapprochements entre jeunes palestiniens et jeunes israéliens. Un petit traité de tolérance et d’espoir à destination de la jeunesse en Israël et dans le monde. Elle confie se sentir plus proche dans son travail d’écriture du métier de scénariste qu’elle exerce pour le cinéma. On ressent dans ses livres de par les personnages, les moments décrits, les images et les sons qui s’en dégagent toute cette influence cinématographique.
« La Famille Yassine et Lucy dans les cieux » décrit aussi entre les lignes la condition des arabes israéliens qui représentent près de vingt pour cent de la population israélienne. Une population qui se retrouve figée au milieu de deux peuples en guerre. Cette sensation d’attente et de huis-clos se ressent jusque dans l’écriture de Daniella Carmi. Les autistes, les mutiques ou les incompris n’ont jamais aussi bien communiqué que grâce au langage pop et imagé d’outre-Manche des Beatles utilisé de manière subtile par l’auteure. Derrière une trame en apparence légère se cache une humanité étonnante au cœur de ce livre qui se glissera aisément dans les valises. On y décèle des sentiers jonchés d’inventions littéraires. Un ouvrage à déguster pour l’heure du thé, accompagné de meringues fraîches et d’un grand bol de fraises, tout en étant perché dans un figuier, sous les étoiles exactement.
« Il n’y a rien que tu ne puisses faire qui ne puisse être fait.
Rien que tu ne puisses chanter qui ne puisse être chanté.
Rien que tu ne puisses fabriquer qui ne puisse être fabriqué.
Personne que tu ne puisses sauver qui ne puisse être sauvé.
Mais tu peux apprendre comment être toi à temps, c’est facile.
Tout ce dont tu as besoin c’est de l’amour,
L’amour est tout ce dont tu as besoin. »
John Lennon / Paul Mc Cartney