A l’Aube, l’obscurité.
Le 6 mai dernier, l’extrême droite européenne a obtenu une de ses victoires les plus exécrables et inquiétantes. Le parti grec Aube Dorée a fait son entrée au parlement. Entre salut hitlérien et agressions physiques d’autres députés, ce retour de l’idéologie nazie dans des lieux de pouvoir réactive les pires craintes. En Hongrie, un député du parti Jobbik réalise des tests génétiques certifiant « la pureté raciale » et participe avec d’autres à des défilés en uniformes et en brassards destinés à terroriser les minorités roms et juives.
Dans ce cycle de l’histoire qui ne s’arrête pas, celui des erreurs que l’homme fait et promet de ne jamais refaire, nos yeux horrifiés mais distants regardent les néonazis entrer au Parlement grec et semer d’emblée la terreur. Nos yeux horrifiés regardent l’extrême droite européenne qui commence à réussir sa funeste entreprise de conquête du pouvoir.
Il y a ces pays où ils réunissent moins de 15% des voix. On y compte le Royaume-Uni, la Belgique, la Finlande, la Suède, l’Italie et même la Grèce. Et puis, il y’a ceux qui ont réunis plus de 15% des voix :
L’Autriche et ses bals néonazis, la Hongrie et sa « Garde hongroise » qui s’inscrit dans la filiation de la « Milice du parti des croix fléchés » à l’œuvre naguère dans l’organisation de l’extermination des Juifs. La Suisse et son Union Démocratique du Centre, auteur d’affiches où l’on voit des moutons blancs éjectant du pays un mouton noir ou bien encore auteur du vote interdisant la construction de minarets en Suisse.
Et en France, que se passe-t-il ?
Dans une campagne électorale secouant les valeurs de la République, l’extrême droite s’est banalisée au point qu’un Français sur deux considère qu’il s’agit d’un parti comme un autre. On voit donc dans notre pays certains candidats de la droite qui ont de moins en moins de scrupules à se retirer pour laisser la place au FN et s’expriment dans des journaux antisémites et xénophobes de l’extrême droite française. Par ailleurs, un antisionisme virulent a pignon sur rue et fournit dans certains partis d’extrême gauche un blanc-seing à des propos négationnistes et antisémites qui laissent leurs dirigeants trop indifférents. Ce même antisionisme est un prétexte à des actes de violence répétés allant dernièrement jusqu’aux meurtres antisémites infâmes.
Il semble que nous fassions face aujourd’hui à ce que Jacques Attali avait anticipé comme « une Europe en fin ». Les mécanismes de la fin de l’Europe démocratique se sont depuis bien longtemps remis en place. Une crise économique mondiale sans précédent, des crises sociales, des populations obligées de fuir leurs pays pour chercher à vivre dignement, le terrorisme qui ne s’arrête pas et frappe de plus en plus durement… Face à cela, les extrêmes prennent le pouvoir et apparaissent aux yeux des nations comme un rempart au mystérieux coupable étranger responsable de tous nos maux. Mais l’Europe et les démocraties semblent décider de ne jamais apprendre des erreurs de l’homme dans l’Histoire. De la même manière que les crises ont fait tomber dans le passé les démocraties, elles menacent d’anéantir l’Europe démocratique et la France risque de s’installer dans ce processus. Notre continent a choisi de se souvenir de la Shoah pour se construire et rejeter toutes formes de haine raciale, xénophobe… L’Europe a voulu se débarrasser du racisme et de l’antisémitisme en assumant la force de vivre ensemble en partageant des valeurs républicaines et démocratiques, dépassant les frontières. Ses valeurs sont en danger, imposant le souvenir de ce qui a fondé le projet de nos sociétés.
Dans ce contexte, les Juifs ne doivent pas céder à la tentation du repli qui les pousserait à se définir exclusivement par ce qui les distingue des autres. Ils ne peuvent pas se laisser séduire par ces discours pervers et destructeurs qui veulent faire croire aux luttes communautaires comme seule survie possible.
Nous avons la responsabilité de ne point nous sidérer dans une posture victimaire repliée et de mener de front la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Cette responsabilité nous impose de dire non aux compromissions qui mettent à mal des principes que nos ainés nous ont transmis et que malheureusement, nous voilà obligés de les leur rappeler, dans une période frappée d’amnésie et de rupture. Nous devons le faire avec ces mêmes valeurs que les juifs français partagent depuis le début de leur histoire et que nous devons plus que jamais partager avec nos voisins européens. Ce printemps, nous avons parcouru les universités françaises avec des étudiants israéliens pour lutter contre le boycott et l’antisémitisme. Cet été, les étudiants juifs de France inciteront les étudiants juifs européens à ne point accepter de se rassembler en Hongrie par centaine sans agir, sans ne rien dire sur la situation des Juifs hongrois et la restriction des libertés publiques prônées par l’extrême droite. Nous le ferons ensemble, fiers de nos identités communes.