Le 16 juillet 1942, les autorités de Vichy arrêtaient 13 152 juifs d’origine étrangère réfugiés en France. À Paris, hommes, femmes et enfants furent parqués dans des conditions sanitaires épouvantables durant quatre jours au Vélodrome d’Hiver, dans le XVe arrondissement, avant d’être déportés.
1942-2012. À l’occasion du 70e anniversaire de cette rafle sans précédent, l’UEJF (l’Union des Etudiants Juifs de France) a commandé à l’institut CSA un sondage sur la connaissance de cet évènement. La question était simple : Avez-vous déjà entendu parler de la rafle du Vel d’Hiv ? L’étude révèle peu de différences selon les classes d’âges interrogées. Ainsi, 67% des 15-17 ans, 60% des 18-24 ans et 57% des 25-34 ans répondent « non ». 25% des plus de 65 ans disent ne pas en avoir entendu parler et, tous âges confondus, la moyenne est de 42%. Pour ceux qui en ont entendu parler, c’est d’abord grâce à des films ou des documentaires (87%), ensuite dans leur entourage (53%), puis à l’école (49%) et sur Internet (21%). Au-delà des réponses, 85% des Français interrogés et 88% des 18-24 ans « considèrent que la transmission de la mémoire de la Shoah est importante ».
Faut-il s’inquiéter de l’ampleur de cette méconnaissance ? Pas tant que ça, selon plusieurs personnalités qui ont commenté ces chiffres. Si le président du CRIF, Richard Prasquier estime en premier lieu qu’il y a « de bons éléments dans ce sondage qui montrent que les jeunes sont soucieux de connaître l’histoire », il souligne cependant qu’il reste « du travail à faire » mais ne souhaite pas vouloir employer « les termes de carences » du système éducatif. « Il ne faut pas partir en guerre contre ceux qui n’ont pas fait ce travail », dit-il, jugeant qu’il s’agit d’un « enseignement difficile qu’il faut reprendre ». Le président du CRIF suggère qu’il y a « une réflexion à avoir sur le type d’enseignement le plus efficace » puisque le sondage démontre que le « visuel » arrive en première place des vecteurs d’information.
Les historiens Annette Wieviorka et Henry Rousso ne se disent eux « pas surpris » par ces résultats. « Chaque fois qu’un sondage porte sur un évènement historique précis, explique Henry Rousso, les réponses sont faibles. Elles sont plus consistantes, les connaissances moins floues, lorsqu’il porte sur des périodes plus étendues, des questions plus générales ou des personnages historiques ». Et le directeur de recherche au CNRS de préciser : « Sur la rafle du Vel d’Hiv, par exemple, l’évènement est trop précis. Si l’on interroge les jeunes sur le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, le pourcentage d’ignorance serait certainement moins élevé. [On] peut ignorer un évènement et en connaître bien d’autres ». Pour Annette Wieviorka, également directrice de recherche au CNRS, « il n’y a pas de quoi s’affoler. Ces résultats ne sont pas mauvais, je trouve même que ce n’est pas mal comme pourcentages. Il faudrait étendre la question : voir quels évènements historiques se souviennent les jeunes », car selon elle, « autrefois on apprenait par cœur et ça restait ancré dans la mémoire pour toute la vie, comme le massacre de la Saint Barthélémy », alors qu’ « aujourd’hui, on enseigne autrement. D’ailleurs, poursuit-elle, je ne vois pas comment on peut faire plus en ce qui concerne la Shoah. Elle figure dans les programmes scolaires, dans les médias, des dizaines de milliers d’enfants sont allés voir le film La Rafle. »
Henry Rousso estime toutefois qu’une réflexion est nécessaire, « non pas sur les contenus de l’enseignement ou la transmission mais sur la façon d’articuler les phénomènes historiques comme la Shoah avec des phénomènes du présent. Qu’ils soient intégrés dans la conscience ». Un point de vue partagé par le président de l’UEJF, Jonathan Hayoun, qui déclare que « c’est en connaissant son passé que l’on construit un avenir meilleur » mais que réfute Annette Wieviorka pour qui « il est illusoire de croire que plus on va multiplier les commémorations, plus cette connaissance sera effective, contre l’antisémitisme, par exemple ».