Alors que les religions reviennent en force, une expo inventive s’efforce de rappeler que les différents cultes peuvent coexister harmonieusement. Pourquoi l’homme a-t-il besoin de divinités ? Qu’ont-elles en commun ? Visite au Petit Palais parisien.
« On a beaucoup tué au nom de Dieu. Comment combattre ce potentiel destructeur ? Cela s’appelle la laïcité, mais est-ce la seule réponse possible ? Elle est difficilement exportable, mais l’histoire nous apprend que la guerre des religions – déguisée ou non en « conflit de civilisation » – n’est pas une fatalité. Les Dieux proposent, les hommes disposent », écrit Elie Barnavi. Un sujet on ne peut plus d’actualité, qui ne cesse de tourmenter l’ancien ambassadeur d’Israël. Il y a quelques années, il a contribué à l’expo « Dieux mode d’emploi », présentée à Bruxelles. C’est en tant qu’historien, qu’il a été sollicité par le Musée de l’Europe/Tempora. Une initiative saluée par le public et par des personnalités politiques, comme Guy Verhofstadt. Tout l’Occident est confronté à une question brûlante : comment vivre sa religion tout en s’inscrivant dans une société laïcisée ? Aux yeux de Barnavi, « l’exposition se veut un aiguillon suscitant la curiosité, le débat et l’émotion. La résurgence religieuse s’accompagne d’angoisse, de méconnaissance et d’interrogations. Or, les diverses croyances sont plus semblables qu’on imagine… »
Divines dévotions
L’immersion dans cet univers religieux est favorisée par une plongée dans la pénombre. La première salle est dédiée aux sculptures divines. Près de 160 œuvres ont été récoltées. Elles proviennent du Musée Quai Branly, du Louvre ou du Musée d’Israël. Un masque Xaga (Congo) côtoie la figure de Lucifer ou un drapeau vaudou. Pendant que Shiva effectue une danse cosmique, une magnifique statue, en pierre calcaire, illustre une mère tenant le visage du Christ. Il est interdit de représenter Dieu, dans le judaïsme, mais on sent néanmoins sa présence dans des pièces symboliques. On découvre avec émotion un rideau de l’Arche – datant de 1772 – ou un tableau de Chagall représentant Moïse.
Comment communiquer avec le divin ? Telle est la question qui anime la prochaine salle thématique. La prière se retrouve dans tous les cultes, elle vise souvent à demander d’être protégé. Plusieurs vitrines illustrent des objets cérémoniaux, issus du christianisme, du judaïsme ou du taoïsme. Un autel turquoise, un brûle-parfum de la dynastie Han ou un masque brésilien, orné de superbes plumes, témoignent de la variété mondiale. Parfois, c’est le surnaturel qui domine, comme l’illustre un corps de jeune homme, recouvert de guêpes et de fourmis. Les rites de passage marquent une étape essentielle, de la naissance à la mort. L’entrée dans la vie adulte, le mariage ou l’au-delà prend de multiples formes. Ces cérémonies inscrivent un individu dans sa communauté. Photos (ex. baptême russe orthodoxe) et vidéos (ex. brit-mila, bar-mitsva) forment un voyage à travers les âges et les cultures. Le journaliste belge, Benoit Remiche, a eu la bonne idée d’interroger les croyants sur leur vision de l’au-delà. Un éventail passionnant qui montre à quel point l’être humain n’a pas de réponse à toutes les questions. C’est pourquoi certaines religions instaurent des intercesseurs, chargés de communiquer directement avec Dieu.
Autre volet intéressant : celui des livres, qui désirent recueillir sa parole. Les trois religions monothéistes déploient ainsi la Torah, la Bible et le Coran. Un mini coffret renferme de vieux rouleaux hébraïques. L’écriture est également célébrée dans un Ancien Testament luthérien, Les Lumières de la Révélation (islam) ou les livres pour enfants, enseignant le catéchisme. Où que l’on soit sur terre, on retrouve des codes vestimentaires religieux, ainsi que des lieux sacrés. Certains sont liés à la nature, d’autres ont été façonnés par la main de l’homme. De multiples maquettes démontrent qu’ils sont toujours réalisés avec le plus grand soin. Aujourd’hui, on n’hésite plus à solliciter de grands architectes pour leur donner vie. Une synagogue zébrée affiche des façades obliques, afin de former le mot « kedousha ». Les religions ont beau être diverses et variées, elles sont toutes obnubilées par la notion du Temps. L’animisme le représente à travers d’étranges « bobo kurumani », liés au cycle de la vie. Au Burkina-Faso, on pense que la création du monde est basée sur la dualité masculin/féminin, humains/esprits. Quoi qu’il en soit, chacun le conçoit à sa façon… Dommage que l’on manque d’ouverture quant à la connaissance des autres croyances. Cette exposition nous offre un bel échantillon, tout en nous poussant à nous interroger sur nos points communs. Un parcours qui devrait rimer avec Amour, mais ce chemin est encore bien long…
Expo Dieu(x) – Modes d’emploi:jusqu’au 3 février 2013, au Petit Palais, du mardi au dimanche de 10 à 18h (jeudi 20h), info www.petitpalais.paris.fr