Marseille accueille et partage des événements internationaux dans le cadre de son année 2013. Parmi ces rencontres étonnantes, celle de chapiteaux qui tentent de s’installer sur les multiples rives de la Méditerranée et de proposer des univers mêlant arts, technologies et surtout voyages.
Xavier Nataf : Dans le cadre de la présence israélienne de Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, on assiste à événement fantastique, une coproduction entre la France et Israël dans un domaine qu’on connaît assez peu, celui du cirque.
Orit Névo : Oui, du cirque contemporain. Dans le cadre de Marseille Provence 2013, on est venu me voir en 2010 afin de présenter une création. Je travaillais à l’époque sur un spectacle. Le ministère des Affaires étrangères israélien a estimé que ce serait intéressant de me présenter, avec d’autres compagnies de cirques, afin de savoir si des coopérations avec la région pouvaient se mettre en place pour la préparation de l’année où Marseille serait la capitale européenne de la culture. Lors de ma venue, on m’a présenté à Guy Carrara, le directeur de la compagnie Archaos. Il est également le directeur du Pôle National des Arts du Cirque Méditerranée, avec Raquel Rache de Andrade et Michel Almon et Thierry Dion. On a décidé de mettre en œuvre plusieurs collaborations, dont celle-ci qui s’appelle « Somewhere and nowhere ». On l’a écrit ensemble et on aura la chance de la présenter dans le cadre du festival le 22 février.
Quelle est la situation du cirque contemporain en Israël ?
Il n’a pas beaucoup évolué. Il se trouve aujourd’hui dans l’état où se trouvait le cirque français au 19e siècle. Il se passe principalement dans la rue. Aucun lieu ne programme des spectacles de cirque régulièrement. En 2011, en compagnie d’une bande de fous, j’ai monté le premier chapiteau israélien. Cela pendant trois ans. On y programmait que des spectacles de cirque, faisant même venir des compagnies françaises. Mais en 2005, on a dû fermer le cirque. Et rien n’a été proposé depuis. Les spectacles se déroulent à nouveau dans la rue. Je dois admettre que j’ai eu la chance depuis 15 ans de pouvoir travailler avec la France. Je crée des spectacles entiers, je les mets en scène.
En ce qui concerne votre collaboration avec le cirque Archaos à Marseille, il est question de ports, d’identités, allées et de venues…
Et d’immigration, oui. C’est l’histoire de la Méditerranée, mais en fait il s’agit de l’histoire de l’humanité entière. On parle d’immigration dans le sens le plus général du terme, dans toute l’histoire. Des images vidéos apparaissent le long du spectacle, montrant des moments importants dans l’immigration internationale. Chaque personnage dans le spectacle traite aussi à sa manière l’immigration de façon très intime. Et les relations entre les personnages se forment, voguant sur les états d’âme des immigrants qui ont laissé derrière eux le rêve d’un avenir meilleur dans un ailleurs probable. On retrouve donc à la fois une dimension intime et une dimension globale.
Quels sont les dispositifs ?
Ecrans vidéos, machines et surtout une porte d’entrée au service d’immigration, qui permet le passage à l’ailleurs, où le tampon est donné pour l’avenir. On se met en file devant cette porte plusieurs fois pendant le spectacle pour pouvoir passer. Il y a une corde lisse, un trapèze, de la danse, de l’acrobatie, du jonglage et un jeu d’acteur. Tout cela sur un fond musical écrit par Dori Ben Zeev et Asaf Librati. Cinq artistes se retrouvent sur scène.
Cette une chance réciproque pour une compagnie israélienne de pouvoir échanger avec d’autres pays et notamment la France ?
Oui, surtout la France. C’est le pays qui a dédié le plus de réflexion, de travail, de création, de recherche, des moyens dans le domaine du cirque contemporain. C’est un rêve de pouvoir travailler dans ce pays et d’y présenter des spectacles. Celui que nous présentons maintenant est très important pour moi, car la collaboration avec Guy Carrara et la compagnie Archaos est très étroite, comme si on se connaissait depuis vingt ans. On travaille très bien ensemble pour l’écriture, la mise en scène… C’est un grand privilège pour nous de pouvoir travailler avec une compagnie aussi prestigieuse. On a passé un très bon moment ensemble, une formidable année de création.