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Religion

Yeshaya Dalsace : « Le judaïsme doit intégrer le fait homosexuel »

Après l’essai du Grand Rabbin de France sur le mariage homosexuel, le rabbin massorti Yeshaya Dalsace souhaite nuancer la position du judaïsme sur le sujet.

La messe est dite. Il y a plusieurs mois, les autorités religieuses se prononçaient contre le projet de loi du mariage pour tous. Une position critiquée par le rabbin Yeshaya Dalsace qui tente de dédiaboliser l’homosexualité.

Pourquoi vous êtes-vous opposé à l’essai de Gilles Bernheim ?

Ce qui m’a d’abord gêné, c’est qu’il se positionne au nom du judaïsme et nous mette dans le camp des antis. Or, la réalité est beaucoup plus complexe et Gilles Bernheim se doit de représenter tous les Juifs de France. Pour le monde extérieur, le judaïsme entretient un rapport forcément négatif avec l’homosexualité et cet essai renforce l’impasse idéologique. S’enfermer dans un seul et même discours est inquiétant pour le bien du judaïsme. De plus, je considère que les religions n’ont pas à se mêler d’un débat de société.

Le judaïsme aurait-il pu être la seule religion monothéiste à ne pas se prononcer ?

Il n’aurait pas pu, il aurait dû ! Historiquement, le judaïsme ne pense pas comme ces deux religions. Soudainement, on fait cause commune. Mais sur le dos de qui ? C’est profondément malsain. D’autant que c’est la première fois que le judaïsme se positionne, par la voix de son représentant, contre un projet de loi civile.

Pensez-vous que les Juifs de France soutiennent la position de Gilles Bernheim ?

D’un côté, il y a le judaïsme des synagogues. De l’autre, il y a le judaïsme des communautés. Sur le plan sociologique, je pense que l’opinion des Juifs reflète celle des Français. Ce sont les institutions qui sont bloquées, incapables de débattre. Le judaïsme est dynamique et intelligent, désenclavons-le.

Quelle est votre position personnelle sur l’homosexualité et le mariage pour tous ?

En tant que rabbin, je ne prends pas position sur le mariage homosexuel. En revanche, nous savons que des textes du Lévitique condamnent l’acte sexuel masculin de sodomie. Mais cela ne correspond pas à l’homosexualité telle qu’on la connaît aujourd’hui. Avoir une lecture fondamentaliste, ce n’est pas le judaïsme. Cela demande un travail de lecture et de réflexion. Le judaïsme doit intégrer le fait homosexuel, même si c’est difficile.

Et pour l’homoparentalité ?

La PMA (Procréation médicalement assistée) et la GPA (Gestation pour autrui) sont autorisées dans le judaïsme. Mais les enfants d’homosexuels seront-ils acceptés au Talmud Torah ? Les deux papas réciteront-ils la bénédiction lors de la Bar-Mitzva de leur fils ? Au même titre que pour les enfants de mariages mixtes, c’est une question de volonté des rabbins. La synagogue doit être un endroit chaleureux pour tous.

Le judaïsme a-t-il une lecture plus souple concernant d’autres interdits ?

Oui, on touche à un tabou avec l’homosexualité. Ca soulève une véritable phobie car tout être humain est un homosexuel potentiel. La norme hétérosexuelle est donc fragile, chacun peut se retrouver à la marge. Pourtant, dans la Bible, la plupart des couples sont marginaux. Raison pour laquelle, nous trouvons systématiquement une loi puis son exception. Le texte n’est pas une prison.

Que dites-vous aux Juifs homosexuels que vous rencontrez ?

Ils n’ont pas à culpabiliser ni à choisir entre deux identités. Si l’on devait mettre hors de la synagogue tous ceux qui ne respectent pas strictement les règles, qui resterait ? Je leur conseille d’avoir une éthique au même titre que les hétérosexuels. D’ailleurs, le fait de vouloir stabiliser un couple et de fonder une famille, comme la loi du mariage pour tous le prévoit, est plutôt bienvenu dans le judaïsme.

Propos recueillis par Lisa Serero