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Antisémitisme

58 % d’augmentation des actes antisémites

C’est ce que révèle le rapport pour l’année 2012. L’arche s’entretient à ce sujet avec Richard Prasquier, le président du CRIF.

 

Le rapport établi par le SPCJ et les services officiels du ministère de l’Intérieur a été remis au Premier ministre sur les actes antisémites recensés en 2012. Il montre une nette augmentation. Quelles en sont selon vous les explications ?

Ce rapport repose essentiellement sur les dépôts de plainte. Les documents ont été analysés dans le rapport qui a été remis mercredi 20 février au Premier ministre. Il montre une très grande augmentation des actes antisémites par rapport à 2011. Or, en 2011, il n’y a pas eu la connexion que nous trouvons habituellement avec le Moyen-Orient. Les événements de Gaza qui se sont déroulés en novembre n’ont pas correspondu à un pic d’actes antisémites. En revanche, il fut extrêmement visible et choquant lors des deux phénomènes qui ont été le plus marquants. A savoir les attentats de Toulouse au mois de mars et le démentellement de la cellule islamiste au mois de septembre. Ils ont tous les deux été suivis d’une augmentation très nette des actes antisémites. Comme si cela avait donné des idées à ceux qui hésitaient encore avant de passer à l’acte.

Certains de ces actes antisémites sont-ils directement liés à ces cellules ?

Les actes antisémites dont nous parlons sont décrits par la plupart des personnes qui se sont exprimées après en avoir été victimes comme étant le fait de personnes de type nord-africain, mais lorsque les actes ont été accompagnés de paroles, elles se réfèrent très souvent à un conflit israélo-palestinien largement fantasmé. Entre les bons et les méchants, les forts et les faibles, les oppresseurs et les oppressés… Un conflit dont la représentation univoque dans beaucoup de nos médias, notamment télévisés, se prête encore davantage à ces identifications binaires et à ce qu’on appelle « l’importation du conflit ». Cette importation très tangible s’accompagne d’un antisémitisme également alimenté par le discours islamiste que l’on retrouve soit chez certains imams, peut-être moins marqué en France aujourd’hui car la surveillance est très précise, soit surtout aujourd’hui diffusé grâce aux nombreux moyens littéraires et audiovisuels présents malheureusement très souvent dans le monde arabo-musulman. Comme le montrent quotidiennement les passages repris par la chaîne Memri.

D’ailleurs de nombreux journalistes d’Al-Jazeera quittent actuellement cette chaîne qu’ils avaient rejointe car elles s’opposait aux régimes dictatoriaux avant le Printemps arabe, mais semblent s’accommoder très bien des régimes islamistes qui les remplacent, en relayant les messages officiels. 

L’image qu’on avait du Qatar comme un pays très modéré, ouvert, pouvant servir de pont entre l’Islam et l’Occident, reposait souvent sur des fantasmes ou sur des photographies de la femme du Roi du Qatar. Cette image ne peut avoir cours actuellement. Il ne faut jamais oublier qu’un des hommes les plus importants et puissants du Qatar est l’émir al-Qaradawi. Lequel est le chef religieux de référence de la chaîne Al-Jazeera, mais aussi le président du conseil européen de la fatwa et le prédicateur le plus influent dans le monde sunnite en général et des Frères musulmans en particulier. Or son discours vis-à-vis des juifs est d’une violence extrême. Le rôle du Qatar dans le renforcement de ces courants particuliers de l’islam qui sont issus du wahhabisme, n’encourage pas vraiment à la tolérance.

En France, où se manifestent principalement ces actes antisémites ?

C’est très irrégulièrement réparti. Les deux tiers des juifs de France habitent dans la région parisienne. Il n’est donc pas surprenant de constater beaucoup d’actes antisémites se déroulent dans cette région où il y a une forte présence de juifs et de musulmans, et où il y a souvent aussi des difficultés sociales. Mais cela se déroule ailleurs aussi. Comme par exemple dans l’agglomération lyonnaise et d’autres villes des régions. Ces actes antisémites sont graves. Ils ne sont pas assez mis au rang des préoccupations importantes de notre société parce qu’on a souvent l’impression que c’est un peu marginal. Néanmoins, cela pèse beaucoup dans l’image que se font les juifs de leur avenir dans notre pays. C’est bien désolant. Mais ça devient insupportable pour des juifs qu’ils doivent continuellement penser à leur sécurité, à la sécurité de leurs enfants. Il y a là quelque chose de profondément choquant. Ce n’est pas un problème spécifique à la France. Il y a des caractéristiques qu’on retrouve dans d’autres pays comme en Angleterre ou dans d’autres pays européens où les communautés sont moins importantes. Sans oublier les juifs qui font face à un climat antisémite particulièrement lourd en Europe centrale, en particulier en Hongrie.