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Religion

Juifs et homos : à la recherche du deal idéal

Pascale, David et Yohan possèdent deux identités, a priori incompatibles. Lesbienne, gays, croyants et pratiquants, ces trois juifs entendent démontrer que rien n’est impossible. Rencontres.

Pascale, 44 ans

Petite, elle voulait qu’on la présente comme un garçon. « Avec mon prénom, c’était facile ». Amoureuse de filles, refoulement, puis re-amoureuse de filles. « Je me disais que c’était pas normal de ressentir ça. Que j’étais seule au monde ». Jusqu’à LA rencontre. Celle qui lui a permis de tout dévoiler à sa famille. « C’était mon premier chagrin d’amour. Je leur ai annoncé très violemment ». Sa mère se demande ce qu’elle a bien pu faire de mal pour que sa fille de 21 ans soit lesbienne. « Ma famille disait ne pas vouloir me voir malheureuse ». Accepter ou non, Pascale ne laisse pas vraiment le choix à ses parents et invite régulièrement ses petites copines à la maison. Élevée dans une famille traditionaliste, Pascale trouve pourtant ses repères assez vite vis-à-vis de la religion. « L’interdiction est plus précise pour les hommes que pour les femmes. Et à partir de moment où j’ai assumé, je me suis dit que Dieu m’aimerait comme je suis ». Pour elle, la pratique du judaïsme tient moins au respect des règles qu’à la poursuite de traditions millénaires. Très vite, Pascale ressent le besoin d’enfanter. Elle opte pour la co-parentalité par insémination en rencontrant un homme gay. « Pour moi, il était impossible de concevoir un enfant sans la présence d’un père. Davantage pour la construction identitaire que pour l’éducation ». Une lueur d’espoir pour ses parents qui voient en cet enfant la possibilité pour Pascale de « changer ». Preuve que l’acceptation a encore une longue route devant elle. « Ils subissent, font bonne figure. Je vois bien que mes parents ne se comportent pas de la même manière avec mon amie et avec ma belle-sœur ». Aujourd’hui âgé de 12 ans, son fils a hérité d’un prénom et d’une éducation juifs. Pascale se réjouit de la loi sur le mariage pour tous mais espère pouvoir se marier « d’abord devant le rabbin ».

Yohan, 31 ans

À 13 ans, il se destinait à la yeshiva. « Ca me passionnait. Mon rabbin était un exemple pour moi ». De temps à autre, des pulsions homosexuelles survenaient. Aussitôt réprimées. Mais à 18 ans, Yohan se fiance et projette de partir étudier à Jérusalem. « J’avais une vie tracée, c’était réconfortant ». Ses pulsions reviennent de plus belle, le poussant à tout avouer pour son bien et celui des autres. «  Personne ne pouvait m’aider, je me sentais seul. On n’est pas préparé à ça ». Sa mère explose en pleurs, se lamentant de ne pas pouvoir être grand-mère. Changement de trajectoire : Yohan abandonne ses études pour devenir rabbin, coupe ses peyot et rencontre des homos. « Un passage à vide sans religion ». La réconciliation intervient grâce à une amie qui lui explique que religion et sexualité représentent deux mitsvot différentes. « Ça m’a fait du bien. J’ai commencé à chercher un rabbin qui pourrait me comprendre ». La machine repart : bénédictions du matin, téfilines, synagogue à chabbat… « Je ne me considère pas pire qu’un autre Juif. Dieu m’a envoyé ce rabbin comme un signe pour me pousser à m’assumer ». Même si Yohan admet avoir perdu quelques amis juifs à cause de son orientation sexuelle, il est plutôt optimiste quant à l’ouverture d’esprit de la communauté. « Ma mère est devenue une militante en faveur du mariage gay. L’homosexualité n’est pas forcément acceptée chez nous mais aucun parent juif ne mettra son enfant à la porte ». Au final, la boucle est plus que bouclée : Yohan projette de partir en yeshiva en Israël, « dans une école qui me correspondrait ».

David, 40 ans

Avec son coming out à 36 ans, David a préféré prendre son temps. À tort, probablement, puisque ses parents se sont avérés surprenants. « Mon père a pris l’initiative d’en parler car il sentait que j’étais homo. Il l’a nommé et j’ai simplement acquiescé. Mes parents veulent juste mon bonheur ». Et ils vont même jusqu’à s’inquiéter que leur fils unique ait gardé ça aussi longtemps en lui. Pour parvenir à cette annonce, David a traversé un long processus de questionnement dont il a pu sortir notamment grâce au Beit Haverim. « J’ai réalisé qu’il y avait d’autres juifs homos et qu’ils étaient épanouis. Ca m’a rassuré de voir que je pourrai construire un projet avec quelqu’un qui partage ma foi ». À 25 ans, David se décide à monter sur le char de l’association lors de la Gay pride. À ce moment-là, une femme lui rappelle que tout n’est pas rose avec un « C’est pêché ! ». « Ça m’a renvoyé à ma propre contradiction ». Résultat : David évite de trop en dire au reste de sa famille et à ses collègues. « Il reste encore un peu de honte ». Dans la communauté libérale ou massorti, l’homme se sent mieux accepté, mais il espère une évolution du consistoire qui intégrera ces deux courants. « Pour qu’un couple gay dans une synagogue ne soit plus obligé de se faire passer pour des amis ». D’ailleurs, David s’est mis à la recherche d’une femme juive pour une co-parentalité, tout en regrettant que son futur enfant ne soit pas « le fruit de l’amour ». Et même si l’âme sœur est difficile à trouver chez les « juifs homos assumés qui veulent un enfant », David ne projette pas de se marier, ni à la mairie ni à la synagogue. « Pour moi, le mariage, ça reste entre un homme et une femme ».