Lors de la présentation des futurs mariés au Grand rabbin, la rencontre solennelle est interrompue par une vieille dame désirant demander à cette autorité religieuse un avis sur quel four conviendrait le mieux à ses besoins. Sans amis ni voisins à qui le demander, elle perturbe le Grand rabbin, lequel prend de son temps pour la conseiller. Et c’est peut-être cette scène qui révèle le plus d’émotions. Car, enfin, deux êtres se parlent en toute franchise, sans gêne, sans regard et attente extérieure.
Difficile de comprendre les longs silences, les non-dits et les refoulements qui envahissent une famille orthodoxe de Tel-Aviv suite à un événement tragique qui perturbe et provoque d’autres éléments censés être joyeux. Difficile et nécessaire. Car ce beau film montre comme le fit Prendre Femme (2004) de Ronit et Shlomi Elkabetz (et avec Simon Abkarian) comment dans certains milieux, qu’ils soient religieux ou pas, que la femme n’est pas supposée avoir une opinion contrariante ou des désirs déplacés. Alors tout se déroule dans un quotidien écrasé par les routines et les rituels, dans l’attente du grand soir qui marque les horizons successifs que sont la naissance, le mariage et la mort.
On ne peut s’empêcher aussi de penser au personnage de Connie Corleone interprété par Talia Shire dans Le Parrain (1972) lorsqu’on voit Shira Mendelman, interprétée par Hadas Yaron, passer entre différentes postures vis-à-vis de l’autorité familiale. A la fin du deuxième film sur la saga Corleone, Michael se souvient de la première fois où il contraria les plans de son père à son égard en s’engageant dans l’armée. Ce soir-là, Santino présenta sa sœur Connie à son ami Carlo. Lorsque la discussion autour de la table s’anima au sujet de la décision de Michaël, Santino invita Connie à partir. Au fin du temps, la jeune femme naïve devint une rebelle, une femme de maison, puis enfin la vraie patronne du clan. Shira Mandelman suivra-t-elle ces évolutions ?
Le film bouleversant de Rama Burshtein nous permettra de mieux comprendre les silences et émotions qui s’entrechoquent, surtout à une époque de surmédiatisation de tout événement où chacun y va joyeusement de son commentaire, de son « like facebookien » et surtout de son envie de crier avec les meutes et les présentables contre le « scandale » du jour. En attendant de trouver un juste milieu, prenez-donc le chemin du cinéma pour voir Le cœur a ses raisons à partir du 1er mai 2013.