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Cinéma

L’hommage de Serge Moati aux soeurs méditerranéennes

Egypte, Tunisie, Espagne, Italie, Israël, Maroc. Dans son documentaire « Méditerranéennes », Serge Moati dresse le portrait de femmes engagées pour une société plus juste. Démocratie, coût de la vie, image des femmes, liberté… Autant de combats qu’elles mènent de front malgré les lois ou les codes qui les emprisonnent.

 

Comment avez-vous eu l’idée de ce documentaire ?

Grâce à ma proximité avec cette Méditerranée que j’aime tant et de ce que j’ai pu voir des printemps arabes. En Egypte et en Tunisie, j’ai vu la place formidable que prenaient les femmes dans tous ces mouvements. Puis je me suis souvenu de la révolte des tentes en Israël dont on a si peu parlé en France. Sans oublier les Indignés en Espagne et le combat pour l’image des femmes en Italie. J’ai ressenti une émotion pour ces femmes remarquables qui menaient ces batailles.

Pourquoi se sont-elles autant investies dans les printemps arabes ou mouvements des Indignés ?

Ce n’est pas totalement un hasard si les manifestations étaient majoritairement constituées de femmes. Les religions s’en prennent d’abord à elles. Leur corps est le lieu même du pêché. Il s’agissait donc d’une révolution dans la révolution. Les femmes sont les seules à être condamnées à se tenir cachées derrière leur voile ou à être exhibées comme des bimbos. Ce sont les deux faces d’une même médaille et cette paranoïa prend tout son sens lorsque l’on voit les femmes voilées dans la rue et des celles dévêtues dans les clips musicaux à la télévision. Une femme ne peut pas être normale dans ces pays. Ce film tourne donc beaucoup autour de la question du corps.

Malgré leurs différentes luttes, quel est le point commun de toutes ces femmes ?

Leur courage, d’abord. Ce sont elles qui étaient en première ligne des mouvements de contestation et elles le seront pour les prochains. Il m’a plu de filmer ces sœurs en Méditerranée et ce documentaire leur rend hommage. Et puis elles parlent pareil, se comprennent. Daphni Leef, à l’origine du mouvement des Indignés en Israël, a été bouleversée par la photo d’Aliaa, l’égyptienne qui avait posé nue. Elles sont d’ailleurs encore contact via les réseaux sociaux. Ce genre de rapport tord le cou à certaines idées. Il existe donc une unité méditerranéenne qui dépasse les conflits politiques.

Au-delà des grandes figures méditerranéennes connues en France, vous teniez également à mettre en lumière des femmes moins célèbres dans les médias.

Absolument. C’est notamment le cas de cette travailleuse sociale marocaine qui vient en aide aux mères célibataires et dont l’enfant est désigné à vie comme « bâtard ». Elle est adorée dans son pays mais est pourtant sous le coup d’une fatwa pour incitation à la débauche. Cette femme a reçu un Prix Nobel mais très peu la connaissent en France.

Un message à transmettre à travers ce documentaire ?

Je veux combattre le pessimisme et la méchanceté cynique que l’on a par rapport aux pays arabes, comme si leurs habitants n’étaient pas faits pour la démocratie et qu’il leur fallait un rais ou un imam. Comme si la démocratie était un luxe réservé aux gens comme nous, occidentaux, si possibles blancs. Je trouve ça insupportable. Je ne crois pas à la fatalité de l’échec. Rien n’est perdu et je suis prêt à prendre les paris !

Propos recueillis par Lisa Serero

 « Méditerranéennes », un documentaire de Serge Moati. Diffusion le mardi 18 juin sur France 2.