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Cinéma

Bernadette Lafont, une belle fille comme elle

Notre hors-série qui portait sur les parcours de femmes aurait pu se décliner de tant de façons. Car la singularité des parcours, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, surtout est encyclopédique. Noms paternel puis marital pour tant, prénoms pour certaines et initiales pour d’illustres femmes qui, principalement par le grand écran, se libèrent sous le regard complaisant d’hommes qui les aiment, quitte à en faire même le titre d’un de leur film.

Dans le cinéma des années 50, les femmes étaient belles et à part Simone Signoret, Arletty, Françoise Arnoul et quelques trop rares exemples, leurs qualités se limitaient à l’aspect physique. Sinon elles étaient timides, naïves, rangées et surtout des Madame, au nom de famille cela s’entend. Souvent. Car elles ne pouvaient en aucun cas diriger les hommes, en dehors des établissements qu’ils fréquentaient.

Mais la Nouvelle vague, avec ses muses célèbres, Brigitte Bardot pour Roger Vadim et Anna Karina pour Jean-Luc Godard, bouscula cet ordre des choses. François Truffaut les aimaient peut-être encore plus que les confrères de sa génération. Pour ce qu’elles étaient mais aussi pour ce qu’elles pouvaient être, partager à l’écran, sous tant de portraits différents. Belle et intimidante comme Marie-France Pisier dans Antoine et Colette, belle et dangereuse comme Catherine Deneuve en Sirène du Mississippi, belle et déterminée comme Isabelle Adjani dans Adèle H, belle et poétique comme Jeanne Moreau dans Jules et Jim. Sans oublier ces femmes fortes que sont Claude Jade et Nathalie Baye.

Tout commença à l’écran avec Bernadette Lafont. Dans son premier court-métrage, Les Mistons, François Truffaut voit en elle ce que d’autres refusent de comprendre, en premier lieu son mari et acteur Gérard Blain. La Nouvelle vague, ce n’est pas une histoire d’improvisation pure, d’un type qui se ballade dans la rue avec une caméra au poing et tourne le temps d’un dialogue libre. Même mésentente classique avec le stand up. Oui, il y a une part d’improvisation, mais il s’agit surtout de lever les bras et de pousser quelques cris dans des montagnes russes où seuls les spectateurs ignorent, le temps du déroulé du spectacle, la part de folie bien organisée qu’on leur présente. Les Mistons consacre la rencontre de deux folies, celle de Truffaut et de Lafont. Et elle prendra totalement essor, une fois les deux protagonistes traversés un peu plus par l’âge, au rendez-vous de la trentaine dans Une belle fille comme moi. A l’écran, Philippe Léotard, Guy Marchand, André Dussolier, Claude Brasseur y apparaissent comme des enfants gâtés, tentant avec échec, chacun à leur manière d’apprivoiser cette lionne.

Une des plus belles incarnations de la féminité vient de nous quitter.