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L’édito de Salomon Malka

La tête froide

 

Au moment où des négociations ont repris entre Israéliens et Palestiniens sous l’égide de John Kerry, on peut utilement lire une longue analyse publiée dans la New York Review Of Books intitulée « Quel avenir pour Israël ? ». L’article-fleuve parcourt les évolutions des dernières décennies, toutes les tentatives de rapprochement qui ont pu être faites, et retient quelques observations :

D’abord, une anecdote. Le 16 septembre 2002, dans sa résidence de Jérusalem, Ehoud Olmert étale devant son hôte, Mahmoud Abbas, une carte qui se trouve être probablement l’offre de compromis la plus audacieuse jamais formulée par un Premier ministre israélien en exercice. L’État Palestinien se voyait attribuer une étendue qui représente 99,5 % de la rive-ouest du Jourdain et de la bande de Gaza. Un corridor était censé relier Gaza et la Cisjordanie, Jérusalem devant être partagée, la partie-est relevant de l’État palestinien à venir. C’était effectivement la meilleure proposition d’un gouvernement israélien depuis plus de soixante ans. Réaction d’Abbas : le président de l’Autorité palestinienne replie la carte et souhaite l’emporter pour la montrer à ses experts. Olmert refuse, de crainte que l’offre ne soit considérée comme un point de départ pour de futures demandes et de nouvelles exigences. Résultat : selon les confidences d’Olmert, il n’a plus entendu parler de cette conversation dans la bouche d’Abbas.

Était-ce de la prudence de la part du négociateur palestinien ? Était-il conscient du peu de popularité dont bénéficiait Olmert à l’époque dans l’opinion ? Si tel était le cas, s’il redoutait vraiment que le leader affaibli ait eu du mal à faire passer quelque accord que ce fût, il aurait pu au contraire en tirer profit. Il ne l’a pas fait. La suite, on la connaît. Les tirs de roquettes depuis Gaza, et le retrait en 2005, suivi de la victoire des islamistes du Hamas en 2006.

L’année 5773, dont on vient de se séparer, aura été celle d’un relatif apaisement dans le conflit israélo-palestinien, surtout quand on compare avec les hautes turbulences qui secouent la région depuis maintenant deux ans et dont on ne voit pas comment on pourrait en sortir. L’été est passé. L’automne est là. Le printemps est introuvable. Et les violences continuent de plus belle.

Quant aux négociations nouées à Washington, elles ont une vertu, c’est qu’elles interviennent après tant d’autres qui ont échoué. Si tel était le cas cette fois encore et si elles se concluaient par un échec, alors il faudra abandonner l’espoir d’une paix totale et aller vers des séparations unilatérales, à l’instar de ce qui s’est fait à Gaza. Le Secrétaire d’État américain a averti qu’Israël serait amené à choisir entre un État juif et un État démocratique. On a beau faire observer à droite qu’une évolution vers une « self governance » des Palestiniens, conjuguée avec des accords de sécurité, pourrait éviter à Israël de trancher entre les deux, le spectre de l’État binational effraie tout le monde. Et même dans l’aile la plus dure, on cherche une formule qui serait moins que deux États.

En tout état de cause, ces négociations représentent aussi une chance. Elles se font la tête froide et sans enthousiasme. C’est un avantage dans une région qui bouge tout le temps, dont l’instabilité est maintenant chronique, et où la prise de risque pourrait s’avérer impardonnable.

 

Vous connaissez le dernier bundiste en Europe ? On l’a trouvé, c’est Daniel Cohn-Bendit. Pétri de contradictions, se proclamant juif par hasard mais lancé dans un processus de quête personnelle, l’homme a du bagout, du panache et le franc-parler qu’on lui connaît. Dans l’interview qu’on lira dans ce numéro et où nous l’avons poussé au bout de ce qu’il croit, apparaît un destin singulier. Il se veut citoyen européen mais reconnaît que l’idée européenne prend l’eau. Il lit Jabotinsky, mais affirme qu’il n’a jamais été ni pro-palestinien, ni sioniste. Il défend la récente décision européenne sur les « colonies », adoptée en pleine reprise des négociations ou en tout cas à la veille, mais se veut dans une position de médiation entre les verts allemands et les écologistes français.

Le parcours de ce juif allemand né en France, et qui est le seul à avoir été député européen et tête de liste de son parti en Allemagne et en France, n’est pas banal. Il parle d’une « blessure originelle » à propos de son identité juive sur laquelle on sent une réflexion qui n’en est qu’à ses débuts. Gageons qu’elle l’éloignera, s’il la poursuit comme il en a l’intention, de ce bundisme imaginaire qui est une vieille lune à laquelle personne ne croit plus.