La commémoration de l’attentat de Pittsburg  |  Israël terre de tourisme !  |  Le monde change. L’Arche aussi. L’édito de Paule-Henriette Lévy  | 
Israël

En Israël, il n’y a pas de Hanoukka sans beignet

Chaque année, à l’occasion de Hanoukka, les Israéliens se passionnent avec toujours autant d’enthousiasme pour les beignets, les sufganiyot. Symbole officiel de la fête des lumières dans l’Etat hébreu, le beignet revêt, depuis une décennie, un nouveau visage.

Sans distinction d’âge ou de genre, de couleur ou de culture, les Israéliens adorent les beignets de Hanoukka. « Il n’y a pas de Hanoukka sans beignet ! », affirme Eliran, chef de la pâtisserie tel-avivienne Mouvieing Bakery, qui, d’après le quotidien israélien Haaretz, réalise la « meilleure pâte à beignet de l’année 2013 » de tout le pays.

La concurrence s’avère cruelle entre les différentes boulangeries et pâtisseries afin de se faire une place dans les classements des magazines. Pour attraper les gourmands, les enseignes rivalisent en créativité, tant dans le goût que dans l’aspect esthétique de leur pâte frite. Dans la liste des parfums disponibles : poire et cabernet, pomme et brandy ou mûre et cannelle pour les garnitures à la confiture, nougat, crème de pistache ou encore Nutella pour les autres variantes.

Le favori inégalé de tous les amateurs reste cependant le classique, le beignet à la confiture de fraise. Cet emblème culinaire connaît toutefois, depuis une dizaine d’années environ, un nouveau souffle. « Ce n’est plus le beignet lourd et gras dont nous nous goinfrions quand nous étions petits », précise Shani, responsable de la boulangerie Bakery du centre de Tel-Aviv dont le beignet rafle, depuis quelques années, le titre de meilleur beignet dans le classement du quotidien israélien Yediot Aharonot. Aujourd’hui, le beignet sait ainsi se montrer léger, voire « aérien » ; les professionnels dans les cuisines parviennent également à diminuer sa teneur en graisse, en réglant au degré près la température de l’huile de cuisson.

C’est en effet dans une friteuse remplie d’huile bouillante qu’il faut tremper la pâte. L’huile, cet ingrédient qui relie peut-être le beignet avec la fête des lumières. Rappelons que, selon la légende, suite à la révolte victorieuse de Judas Maccabée contre le pouvoir séleucide à Jérusalem, une petite fiole d’huile brûla miraculeusement huit jours au lieu d’un seul, permettant ainsi aux prêtres de purifier le Temple, qui avait été profané.

Mais comment le beignet est-il devenu l’aliment officiel de Hanoukka en Israël ? L’auteur de l’encyclopédie de la cuisine juive (John Wiley & Sons, 2010), Gil Marks, nous apporte son éclairage. Selon lui, le beignet est apparu au début du Moyen Age, dans le monde arabe, avant d’être acheminé en Europe par les Croisés. C’est au XVème siècle, en Allemagne, qu’il emprunte l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui, fourré de confiture. Les chrétiens avaient l’habitude de confectionner ce mets à la veille du Carême afin d’utiliser les restes d’œufs, de lait ou de beurre, et le mangeaient à l’occasion de Mardi gras. D’Allemagne, le beignet migre ensuite en Pologne, et fait son chemin en Terre promise avec les immigrants juifs, au début du XXème siècle.

Le beignet connaît ses premières heures de gloire en tant que mets de Hanoukka dans les années 20. Jusque là, les pionniers avaient l’habitude de manger des latkes (galettes de pomme de terre d’origine juive ashkénaze). Or l’Histadrut, le premier syndicat des travailleurs israéliens, souhaitant fournir de la besogne à ses hommes, organisa une production à grande échelle de beignets ; les beignets, plus difficiles à préparer chez soi que les galettes, exigèrent la mobilisation d’une importante quantité de main d’œuvre, de la fabrication jusqu’à la vente. C’est ainsi que le beignet devint la friandise de Hanoukka la plus populaire en Israël.

Aujourd’hui, tandis que certains puristes attendent le premier jour de Hanoukka pour se régaler, la majorité des Israéliens déguste les beignets plusieurs semaines avant, et encore quelques semaines après la fête. C’est qu’il est difficile de résister à ces pâtisseries…