La commémoration de l’attentat de Pittsburg  |  Israël terre de tourisme !  |  Le monde change. L’Arche aussi. L’édito de Paule-Henriette Lévy  | 
Littérature

Défier l’endiablée !

En tête des ventes, Lauren Weisberger réitère le succès du Diable s’habille en Prada en imaginant la suite. Cette fois son héroïne crée son propre magazine, mais la redoutable Miranda n’a pas dit son dernier mot.

Féérique, le Musée de la Mode de la Ville de Paris a rouvert ses portes après un lifting très réussi. Il est habituellement fermé au public la nuit, mais une invitée particulière nous reçoit en ce lieu enchanté. Lauren Weisberger est l’auteure du « Diable s’habille en Prada », un roman qui a donné lieu au film éponyme avec Anne Hathaway et Meryl Streep. Basé sur sa propre histoire, il raconte son stage au sein du célèbre magazine féminin, Vogue. Celui-ci est dirigé par la main de fer de Miranda, alias Ana Wintour, papesse de la mode réputée pour sa froideur absolue. Le succès est immédiat dans les salles et en librairie, avec un million de livres vendus dans le monde ! Autant dire qu’en imaginant la suite, dix ans plus tard, la romancière est accueillie comme une reine. Un cocktail est organisé en son honneur, avec en guise de bonus la visite privée de l’expo Azzedine Alaïa, dont chaque robe est une œuvre d’art. Mi-Barbie mi-JAP (Jewish American Princess), Miss Weisberger se confie sur sa vie et sur ce volet qui met en scène Andy. Une jeune femme épanouie qui s’apprête à se marier tout en lançant un magazine consacré à ce même thème. Va-t-elle recroiser la route de son ennemie jurée ?

L’Arche : Qu’est-ce que vos parents vous ont transmis de plus précieux ?

Lauren Weisberger : Comme tous parents juifs, ils étaient prêts à tout sacrifier pour moi. Ils m’ont toujours soutenue à condition que je donne la priorité à mes études, qui comptaient beaucoup à leurs yeux. Du coup, je n’avais droit qu’aux loisirs et au sport si je me montrais une bonne élève. J’ai eu la chance d’avoir une enfance très heureuse, mais je passais mon temps plongée dans les livres car j’aimais m’immerger dans d’autres mondes. Je rêvais de faire quelque chose de littéraire, mais je ne me suis jamais imaginée auteure.

Votre héroïne Andy « aime créer quelque chose de toutes pièces », est-ce votre notion de l’écriture ?

L’écriture n’est pas si romantique que ça. Il s’agit surtout d’un travail difficile… Tantôt les mots restent coincés, tantôt ils affluent et traduisent des idées géniales. Ce qui me satisfait le plus, c’est de pouvoir rencontrer mes lecteurs à travers le monde. Cela me rend humble. Ecrire signifie passer 99% de son temps seule dans sa tête, alors j’apprécie le passage de mes personnages à de réels fans.

Pourquoi cette suite du Diable s’habille en Prada ?

Parce que dix ans plus tard, je voulais savoir comment mes protagonistes avaient évolué. Il est plus intéressant de se pencher sur mon héroïne Andy, que sur quelqu’un comme Miranda qui ne change pas humainement car elle se contente uniquement de torturer des gens. Andy suit son chemin et doit enfin trouver sa voie. Même si elle a des ambitions personnelles, comme fonder son propre magazine, elle réalise que la priorité reste la vie de famille. C’est aussi mon cas.

Miranda est une version à peine déguisée d’Ana Wintour, la big boss du Vogue américain. Comment a-t-elle réagi à votre succès ?

Je ne l’ai plus jamais revue depuis mon stage à Vogue. Elle n’a guère réagi à mes romans et au film, où elle figure sous les traits de Meryl Streep. Plus révélateur encore, aucun magazine du groupe de presse auquel elle appartient n’a écrit un mot sur moi !

Que pensez-vous de ce Musée de la Mode ?

Il me semble d’autant plus incroyable, qu’une partie du film a été filmée juste devant le Musée. L’expo Alaïa est magique, je suis surtout impressionnée par sa création et la sélection de ses tissus. Je ne porte pas de vêtements haute couture, mais passer une nuit dans cet endroit me paraît irréel. La mode ne me fascine pas, j’aime les fringues or cet intérêt ne va pas plus loin que ça. Si j’ai atterri à Vogue, c’était pour devenir journaliste, pas pour me spécialiser dans cette branche.

Le projet médiatique d’Andy se nomme « The Plunge », le grand saut, est-ce votre vision du mariage ?

Oui, cela fait six ans que je suis mariée et lorsque je regarde en arrière, je me dis qu’on était deux inconnus qui se connaissaient à peine. On ignore ce que l’avenir nous réserve, alors il faut parfois « plonger » sans réfléchir. L’amour est incarné par deux êtres qui se soutiennent et sont toujours là l’un pour l’autre. C’est aussi rare que merveilleux.

Que vous apporte la maternité ?

Comme toutes les mères, j’ai du mal à percevoir l’équilibre entre ma discipline de travail et mes bambins. Ce n’est pas évident de trouver le temps de l’inspiration entre deux biberons. Pour éviter le chaos, tout est chronométré avec minutie. Devenir mère change tout ! C’est la chose la plus importante de mon existence. Mes enfants m’apportent tant de bonheur. Peu importe la fatigue ou le stress, il suffit que je voie la bouille de mes enfants, pour que j’oublie tout. Or deux heures plus tard, j’ai juste envie de les « tuer » tellement ils me rendent dingue (rires).

Quelle est votre part « diabolique » ?

Je suis très gentille, vous savez, mais je n’aime pas tout en moi. Surtout cette satanée culpabilité juive, qui fait que je me sens une mauvaise fille, une épouse terrible ou une maman nulle (rires).

« Comment va la vie ? »

Elle est merveilleuse. Entre ma famille et mes livres, j’ai tellement de chance de mener cette vie de rêve.

« Profitez-vous de chaque seconde de bonheur » ?

Non, j’ai du mal avec ce concept qui consiste à dire qu’on doit savourer chaque instant de l’existence. Il m’est difficile de me concentrer uniquement sur le présent. La vie est un paquet qui comprend à la fois la beauté, les complications et l’ennui. Ainsi, j’essaye surtout de profiter des gens que j’aime.

Vengeance en Prada – Le retour du Diable, par Lauren Weisberger, Fleuve Noir, 455 p.