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Israël

Un tacticien hors pair, mais un stratège contesté

Dans l’art militaire, Ariel Sharon est, au départ, un autodidacte.

Son université, ce fut la guerre d’Indépendance de 1948. Lieutenant de la brigade Alexandroni de Tsahal tout juste créée à partir de la Haganah, il participe à la bataille pour Jérusalem. Il est grièvement blessé à la bataille de Latroun, où les forces de la Légion arabe de Glubb Pacha repoussèrent les assauts israéliens. De cet échec, le jeune officier tira une première leçon : la qualité du renseignement est un élément essentiel de la bataille. C’est en effet pour avoir cru que les positions arabes à Latroun étaient tenues par des « éléments locaux », et non par la redoutable unité jordanienne commandée par un Britannique, que Tsahal subit de lourdes pertes…

Dans tous les commandements qu’il occupa au cours de sa longue carrière, Sharon veilla toujours à ce que les décisions tactiques soient fondées sur une connaissance approfondie de l’état des forces adverses, et de leurs intentions. Il fut, après la victoire, le légendaire commandant de l’Unité 101, formation de commandos soumis à une préparation physique et psychologique intensive pour mener des opérations de représailles en territoire ennemi après des agressions menées par des « irréguliers » arabes contre des localités israéliennes isolées. Pendant la campagne du Sinaï en 1956, il outrepassa les ordres reçus pour s’emparer, avec ses parachutistes, du col de Mitla, qui ouvrait la route du canal de Suez aux forces israéliennes engagées dans cette guerre hasardeuse aux côtés de Français et des Britanniques. Cette indiscipline provoqua sa disgrâce, et son envoi pour un an à l’académie militaire britannique de Camberley, pour qu’il y apprenne le respect de la hiérarchie. C’est là qu’il rencontra le grand stratège anglais Basil Liddell Hart, un partisan de la guerre de mouvement et un expert de l’utilisation des chars sur le champ de bataille, qui puisait son inspiration tactique chez Erwin Rommel, « le renard du désert » de la Wehrmacht, plutôt que chez l’aristocratique Bernard Montgomery, le vainqueur d’El Alamein.

Ses mouvements audacieux, jouant sur la surprise et la concentration des forces là où l’ennemi ne l’attend pas ont contribué à la victoire éclair de la guerre des Six jours d’octobre 1967, et au sauvetage d’une situation critique lors de la guerre de Kippour en 1973. Sa prise à revers de la IIIe armée égyptienne grâce à une traversée risquée du canal marqua le tournant de cette guerre sur le front sud. À son crédit, on peut également placer des succès remarquables dans la lutte anti-terroriste, alliant les technologies les plus modernes à l’efficacité des services de renseignements.

Il fut moins heureux lorsqu’il géra de front la dimension stratégique et tactique d’un conflit armé, celui de la guerre du Liban de 1982, où il plaça un espoir démesuré dans l’alliance politico-militaire avec les forces chrétiennes phalangistes du clan Gemayel. Pendant près de vingt ans, Tsahal fut embourbée dans les conflits communautaires libanais, avant de se retirer en 2002 du Sud-Liban, laissant le champ libre au Hezbollah. Son choix de « l’unilatéralisme » dans le processus de retrait de Gaza fait encore aujourd’hui l’objet de contestation, ses critiques objectant qu’une coopération avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas aurait évité la prise du pouvoir par le Hamas et les jihadistes dans ce territoire, source d’insécurité permanente pour les villes du sud d’Israël.