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Musique

Ester Rada, Ester Rada

Une icône musicale est en train de naître en Israël : Ester Rada. Mélanges et paradoxes, issus de l’histoire de son peuple, se lisent ou se devinent dans la grâce de cette chanteuse.

Son grain de peau révèle déjà sur-le-champ un bout de son chemin. Blues, soul, jazz éthiopien, chants traditionnels juifs, autant d’influences qui composent le cocktail de rythmes et de sonorités sur lequel Ester Rada pose sa voix. « A la maison, le silence n’existait pas ; il y avait toujours de la musique éthiopienne », se rappelle-t-elle en évoquant son enfance. Elle repoussera pourtant très tôt son bagage culturel. « Petite, j’ai dit à ma mère que je ne souhaitais plus parler amharique, mais uniquement hébreu ; je voulais être comme tous les autres enfants ». A l’âge de 20 ans, son service militaire achevé dans une chorale de Tsahal, elle assiste au concert que donne à Tel-Aviv Mulatu Astatke, le prince du jazz éthiopien. Ces sons de blues africain atteignent la jeune femme aux tripes et la ramènent à ses racines.

L’enfance d’Ester Rada est également bercée par les chants religieux des après-midis aux Bnei Akiva, un mouvement de jeunesse sioniste et religieux. En Ethiopie, sa famille était très religieuse, et sa mère a perpétué ce mode de vie après leur Alya. L’Opération Moïse, en 1984, transportent les Rada dans l’implantation de Kiryat Arba, dans les environs de Hébron.

A dix ans, avec sa mère et son grand frère, elle déménage à Netanya, au bord de la Méditerranée. « J’ai découvert un autre univers, les classes à l’école étaient mixes, et les filles pouvaient porter des pantalons ! ». Elle se laisse entraîner vers la vie moderne. Mais surtout, elle découvre la musique sur MTV. La grande idole d’Ester Rada, Nina Simone, mais aussi Erykah Badu ou Stevie Wonder, la plongent dans la musique pop, blues et soul. « A quinze ans, mon frère m’a acheté une guitare avec une méthode, et je me suis mise à composer ».

Son style unique et sa voix radieuse ont amené la chanteuse compositrice de 29 ans sur les meilleures scènes d’Israël. Rada a également chanté à Glastonbury, en Angleterre, où se déroule l’un des plus célèbres festivals de musique du monde. Elle vient d’achever son premier album « Ester Rada » ; ce mois de mars, elle embarque pour un tour d’Europe. A ne pas manquer, en France, les Nuits Zébrées à Lyon, les Banlieues Bleues à Aubervilliers, ou encore ses apparitions à Paris ou Besançon (programme).

Captivante, la belle Rada, lorsqu’elle monte sur scène, enivrée par sa danse, ses mots, sa musique ; elle s’oublie totalement. « Pour moi, chanter, c’est comme une prière, une médiation ; je ne pense pas, je sens ». Et le public bouge à son tour sur ses rythmes frissonnants.

Ester Rada est talentueuse, certains morceaux de son album attestent toutefois une maturité musicale encore inaboutie. C’est cependant la personnalité et le style de la jeune artiste qui en font une vedette. Sa sensibilité et les émotions qu’elle exprime marquent la beauté mais aussi la complexité de son être. La première Falasha à accéder à la notoriété dans l’Etat d’Israël a forgé son caractère en naviguant entre les méandres de la vie. « C’est de ma mère que je tiens ma force », avoue Rada. « Après son divorce, trois ans après ma naissance, elle est parvenue à nous éduquer seule, mon grand frère et moi, dans un pays encore inconnu ; elle nous a donné énormément d’amour et de liberté. C’est grâce à ma mère que j’ai aujourd’hui confiance en moi ».

Ester Rada est sûre d’elle-même et de son étoile. C’est plutôt le décor qui semble instable, tels des sables mouvants la transportant d’un environnement à un autre, de la Jérusalem d’Afrique à Sion, des montagnes éthiopiennes au désert du Néguev, des sourdes percussions aux bruits de la rue israélienne. La chanteuse se veut libre : « A l’étranger, pendant mes concerts, je ne représente que moi-même ». Au fond d’elle-même, elle conçoit toutefois sa soumission à un destin écrit par des mains plus grandes que les siennes.