Goliath ; C’est le titre d’un livre de Max Blumenthal qui vient de paraître aux États-Unis. On a demandé à l’auteur, journaliste américain très connu, collaborateur du New York Times, invité sur tous les plateaux de télévision et dans tous les campus universitaires, pour quelle raison il avait intitulé Goliath un ouvrage à charge contre la politique israélienne (une charge très lourde contre Netanyahou, la politique israélienne, la colonisation, le grand Israël…) Il a répondu qu’il ne savait pas, que c’était une idée de l’éditeur, qu’il avait accepté parce que ça sonnait bien et qu’étant l’auteur d’un livre à succès qui porte le nom de Gomorrah, il a été sensible à un titre qui commençait par la même lettre, la lettre G.
Taratata… La vérité, c’est qu’inconsciemment ou consciemment, l’idée était tentante de renverser le schéma traditionnel du petit berger armé de sa seule fronde contre le géant cuirassé et bardé.
Et qu’importe si Goliath est décrit dans la Bible comme un philistin qui n’a opprimé personne, n’est coupable d’aucune occupation, de rien d’autre que d’avoir pris l’initiative, qui ne lui a pas tellement réussi, de transformer la guerre entre deux armées en une confrontation à deux qui s’est soldée comme on le sait par sa propre mort. L’essentiel était de mettre en pièces l’imagerie
d’Épinal, déconstruire le mythe, retourner la formule. Tout le monde, même ceux qui n’ont jamais lu la Bible et ne l’ont jamais ouverte, connaît l’histoire de David et Goliath. Eh bien là, on renverse le couvercle. David est devenu Goliath. Goliath a pris la place de David. Les pierres viendront à bout du colosse. Et le colosse n’est pas celui qu’on pense !
Pourquoi cette entreprise de démolition du mythe ? Pour une raison très simple. Il faut veiller à tout prix à interdire la pensée que ce mythe pourrait être encore pertinent. Qu’il y aurait aujourd’hui encore, qu’il pourrait y avoir une situation géographique, géopolitique où l’État d’Israël pourrait se vivre comme une communauté menacée, fragile, isolée dans un environnement immense et qui demeure hostile. D’autres titres auraient pu venir sous la plume de notre confrère nord-américain et ont déjà amplement été utilisés. Sparte. Massada. Samson. Fort-Chabrol… Que sais-je ? Mais on n’a jamais songé à comparer Israël à Goliath. Il faut probablement un début à tout !
On sait l’importance de David dans l’imaginaire d’Israël. Son importance aussi pour les trois religions monothéistes (Jésus est décrit dans les Évangiles comme descendant de David et le Coran estime que Daoud est un grand et important monarque).
L’épisode du philistin de Gatt qui affronte le futur roi d’Israël, qui n’est encore qu’un adolescent, sur les plaines de Moav, est à peine évoqué dans le livre de Blumenthal (on s’aperçoit que l’auteur n’a même pas idée du récit, il y a une seule occurrence du nom dans le livre, elle est renvoyée en note improprement et fait deux lignes, dans la bouche d’un ambassadeur de Grande-Bretagne en Israël : « Israël est perçu aujourd’hui comme un Goliath et ce sont les Palestiniens qui sont vus comme David »). On ne parle pas de Goliath, sinon pour vanter dans une interview ses vertus orthographiques. Mais son nom en titre et en grosses lettres – qui font Peplum – est déployé en couverture comme un étendard. Goliath, c’est pour l’apparat et la promotion. Ce qu’il y a à l’intérieur, c’est le bréviaire classique d’un libelle anti-israélien qui ressasse les mêmes clichés éculés. Rien de nouveau sous le soleil ! Mais Goliath, c’est du neuf ! Ca vient de sortir ! Le même vin, dans de nouvelles outres !
Le même discours accommodé à la sauce biblique. Tous ceux qui espéraient apprendre quoi que ce soit sur la comparaison entre tel ou tel personnage de la Bible et des épisodes récents de l’actualité, en seront pour leurs frais. Et tous ceux qui entendraient introduire un peu de nuances dans ce monde de brutes seront voués aux gémonies. Le mal et le bien. Le noir et le blanc. Le cowboy et l’Indien. David et Goliath. Il n’y à sortir de là.
Elle n’est pas simple, la vie ?