A l’occasion de la 14e édition du Festival, le comédien et acteur Stéphane Freiss, qui en est le parrain, nous accorde une interview. Celui qui a tourné avec les plus grands en France, mais aussi en Amérique, évoque son amour d’un cinéma israélien sans concession et de grande qualité. Rencontre.
L’Arche : Vous êtes parrain pour la première fois ?
Stéphane Freiss : En ce qui concerne le Festival de Paris, oui. Mais j’ai déjà été parrain de celui de Marseille. Je couvre tout, maintenant. (rires) Cela me permet d’être sûr d’avoir une place dans la salle !
Il y a une quinzaine d’années, on allait voir les films israéliens par curiosité pour observer ce que l’on pouvait produire là-bas, mais il semble depuis qu’on va les voir surtout pour leur qualité cinématographique.
Il y avait probablement un petit côté exotique, qui a totalement disparu. C’est, à mes yeux, le cinéma qui raconte et critique le mieux son propre pays. Celui qui parle le mieux des gens qui y habitent. Même si l’histoire prend de la distance avec la réalité d’Israël, j’y vois cette capacité à en rire ou à le critiquer, parfois avec dureté. Le cinéaste israélien ne laisse le privilège à personne d’autre de se poser comme juge de sa société pour dire ce qui lui plait ou pas. En même temps, c’est fait sous une forme qui n’empêche pas le spectateur de rêver ni l’histoire de se dérouler. Qui n’empêche pas de créer une empathie entre les personnages et nous, les spectateurs. C’est exactement ce que j’attends du cinéma.
Quels sont les films israéliens qui vous ont le plus marqué ?
Je ne suis pas très à l’aise pour répondre aux questionnaires de Proust, mais si je devais en citer quelques-uns, je pense à Ajami, Ushpizin, Tu marcheras sur l’eau, Bethléem et Le voyage du directeur des ressources humaines. Des films très différents. Aux personnages à la fois proches et lointains de moi, infusés par les rencontres ici et là et la transmission des histoires par mes aïeux. C’est la force de ce cinéma.
Il fallait justement une certaine force à des gens comme Chales Zrihen à Paris et Xavier Nataf à Marseille pour permettre les rencontres de ce cinéma avec le public français à travers leurs festivals.
Cela devait effectivement être très difficile au début, car il y a quinze ans le cinéma israélien ne bénéficiait pas d’un tel succès. Il faut mesurer comment, en si peu de temps, ce cinéma s’est fait une part dans le paysage cinématographique mondial. Le spectateur, où qu’il soit, sait que lorsqu’il va se retrouver dans une salle face à un film israélien, il va être interpellé, probablement bouleversé et peut-être même choqué. En tout cas, il va être partie prenante d’une histoire. Il n’y a pas beaucoup d’autres cinémas qui nous donnent cette occasion-là. En quinze ans, il a donc montré qu’il en avait dans le ventre. En même temps, certains événements ont participé à cela. En 2000-2, entre la création de fonds pour le développement du cinéma et les accords de coproduction avec la France, sa diversité et ses ambitions ont pu voir le jour.
Y a-t-il encore des tabous dans le cinéma israélien ?
Franchement, je ne sais même pas quand ces tabous furent présents. J’ai l’impression que c’est un cinéma dépouillé, depuis ses débuts. Il ne s’est pas caché derrière son petit doigt. Il n’a pas eu peur de se dénoncer ni d’aller même parfois un peu vite. Je pense, à titre personnel, qu’un film comme Kadosh d’Amos Gitaï est arrivé chez nous à un moment qui n’était pas le plus propice. On y raconte des choses sur lesquelles les Israéliens sont partagés et que le spectateur lambda n’est peut-être pas en mesure de recevoir, malgré la façon universelle de raconter l’histoire. J’ai d’ailleurs eu une chaude discussion avec le réalisateur à ce sujet. Mais en même temps, cela n’empêche pas le film d’exister et d’avoir une place importante dans le cinéma israélien. C’est ce qui le rend formidable.
La 14e édition du Festival du Cinéma Israélien de Paris se déroule du 1er au 8 avril.
Cinéma des Cinéastes, 7 avenue du Clichy, 75018 Paris.
Pour la programmation, allez sur www.isratim.co.il