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Arts

Rwanda, 20 ans après : les hommes debout

Un projet artistique pour la mémoire et la dignité des victimes du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994.

A partir du 7 avril 1994, près d’un million de personnes ont été horriblement assassinées en cent jours, pour le plus grand nombre parce qu’ils étaient Tutsi, dans le cadre d’un plan soigneusement établi à l’échelle de tout un pays et dans l’indifférence générale. Des Hutus dits « modérés » qui s’étaient opposés à cette politique inhumaine ont également péri.

20 ans après ce génocide, une exposition veut “rendre hommage aux victimes et aux survivants grâce à l’art.”. Ce projet « Les Hommes debout », né d’une idée et des peintures du plasticien Bruce Clarke et porté par un collectif éponyme composé de rescapés mais aussi de personne sans lien direct avec le Rwanda « est une tentative de réparation symbolique envers les morts à l’usage des vivants », explique ce dernier.  Des peintures d’hommes, de femmes, d’enfants, debout, ces grandes silhouettes dessinées et ces projections lumineuses ont pour but de  créer un grand évènement commémoratif en simultanée dans plusieurs endroits du monde: à Genève, Lausanne, Bruxelles, Lille,Italie, Luxembourg, au Bénin, au Canada.

L’exposition a été inaugurée  à Kigali ce 6 avril dernier, à Paris, à l’UNESCO, le 7 avril, date qui marque le commencement des tueries génocidaires et la période de deuil au Rwanda et ailleurs,  mais également date proclamée par les Nations Unies “journée international de réflexion sur le génocide au Rwanda”.

Ces personnages simples mais majestueux, et surtout dignes, sont accrochés ou projetés sur des lieux symboliques comme la place des Nations Unies à Genève, sur la plus grande cathédrale de Suisse, pour se souvenir qu’en 1994, des victimes furent assassinées dans des églises, des écoles, lieux où elles auraient du être protégées ou encore sur l’Abbaye de Neumünster au Luxembourg, qui servit de lieu de transit pour les déportés juifs pendant la Shoah.

Pour Bruce Clarke, présent lors des commémorations officielles à Kigali et engagé depuis longtemps auprès des rescapés : « nous voulions  redonner une présence aux disparus tout en symbolisant la dignité d’êtres humains confrontés à la déshumanisation et faire comprendre ce qui s’est vraiment passé, et ce qui passe encore trop souvent pour une tragédie africaine de plus… La question initiale était : comment objecter, créer une œuvre d’art commémorative, mémorielle sans agresser, comment figurer le génocide ? J’ai cherché un aspect « positif », en poignant la dignité des rescapés. L’essence même d’un génocide, c’est la deshumanisation. Donc, ce qui importait c’est la réincarnation, pour tenter de souligner que le projet génocidaire n’a pas réussi. »

Pour lui cette histoire n’est pas qu’une affaire rwandaise, africaine, mais l’affaire de tous, de toute l’humanité puisqu’il s’agit d’un crime contre elle : « ne rien dire, ne rien faire c’est participer à une sorte de silence complice. Il me fallait faire quelques chose ».

Le projet entend donc sensibiliser le grand public et amener les spectateurs à s’interroger sans les culpabiliser :  « avant de comprendre la complexité de mécanisme à l’œuvre dans un génocide, il faut de l’empathie. La peinture, permet cette identification », poursuit Fanny Guex, co-fondatrice du collectif « Les hommes debout » », il s’agit aussi d’aider les survivants à se reconstruire dans la dignité. Nous voulons créer un pont entre les spectateurs et les survivants ». C’est en ce sens qu’une grande campagne de sensibilisation et de mobilisation a été lancée sur le web via les réseaux sociaux en août 2013, parrainée en France par Lillian Thuram et Sonia Rolland. Il était demandé au public de se prendre en photo, avec le message “je suis debout”. « Nous avons ainsi collecté  plus de 1000 photos dans une trentaine de langues parfois dans des alphabets jusque-là inconnus. » s’étonne toujours Fanny avec une mine réjouie.

Pour Marcel Kabanda, historien et Président de l’association Ibuka ( « Souviens-toi », en langue rwandaise) qui œuvre pour la mémoire et le soutien aux rescapés: « ce projet  parle de la façon dont on se reconstruit. Ce pays, le Rwanda, nous l’aimons encore. Ce dont je suis le plus fière, c’est de cette dignité et de la façon dont  il s’est remis debout. C’est le pays de la résilience totale ! Être une femme ou un homme debout, c’est se lever dans la dignité, c’est refuser l’oubli, c’est s’engager contre la violence, c’est regarder l’histoire en face.”