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Littérature

La renaissance de Lamartine

A contre-courant, Silvio Ascoli parie sur les livres et les liens qui les unissent aux lecteurs. Principalement celui de prendre le temps du tutoiement avec une œuvre. Il nous livre son regard, un an après avoir repris la célèbre librairie Lamartine.

 

L’Arche : La crise du livre, des éditeurs, de ses diffuseurs… qu’est-ce qui vous a motivé dans cette démarche ?

Silvio Ascoli : Les choses se sont présentées un peu naturellement. Notre groupe Elli a pour objectif de structurer le marché de la distribution, de ma fourniture de bureau, de la papeterie, des beaux-arts… Nous avons actuellement onze points de vente dans Paris, plus un département de vente aux entreprises. De temps en temps, des affaires viennent se proposer. Il est vrai qu’aujourd’hui on retrouve peu de repreneurs dans les métiers de la papeterie et la librairie. Sauf lorsque ces établissements sont spécialisés. Ce sont des métiers cousins. Les librairies pures souffrent beaucoup, pareil pour les papeteries. Néanmoins, le mélange des deux fonctionne pas trop mal. Je m’y suis intéressé sans trop y croire. D’abord, parce qu’il s’agit d’un gros point de vente : 40 personnes qui travaillent sur une surface de 700 m2. Sans vraiment savoir pourquoi, tout s’est finalement bien passé. Depuis la prise de contact jusqu’aux rencontres avec le cédant et ses partenaires, la recherche des fonds…  Tout s’est passé en douceur. Il faut effectivement un certain courage aujourd’hui pour reprendre une librairie indépendante avec tout ce qu’on entend sur le métier. Pourtant, ces propos ne sont pas tellement vrais.

Plutôt qu’une crise, on ressent peut-être un écrémage dans le milieu du livre.

Même si l’écrémage risque de continuer, les gens auront toujours besoin d’un lieu pour aller faire leurs achats et surtout retrouver des conseils et une relation humaine. Si vous donnez un lieu agréable, un personnel qualifié et un lieu cohérent, il n’y a aucune raison pour que cela ne continue pas à fonctionner. C’est sûr que ceux qui ne font pas leur métier sérieusement ou qui veulent standardiser à outrance ne satisfont pas les besoins d’une clientèle. Même les grosses structures ont des difficultés, comme on a pu le voir avec la fermeture de Virgin et Chapitre.

Au-delà de la professionnalisation, doit-on y retrouver un lieu de vie ?

Je suis sur le point de vente de la librairie du 16e chaque samedi après-midi. Il s’agit effectivement devenu un lieu de rencontre. Les gens viennent pour les discussions et dédicaces des auteurs le samedi. C’est un lieu convivial où on peut venir flâner et se retrouver avec des amis. Certains me demandent pourquoi je n’installe pas non plus un café. Malheureusement, je n’ai pas la place.

Un peu dans l’esprit de la librairie Filigranes, à Bruxelles ?

J’ai d’ailleurs rencontré le directeur de la librairie, Marc Filipson. C’est un très bel endroit, où les gens viennent dès le petit matin. Il est vrai que Marc passe beaucoup de temps à animer le lieu, il est très présent et à une activité très diversifiée. De la même manière, je pense qu’une librairie ne doit pas être une centrale d’achat, mais un lieu de plaisir avec du personnel qui aime et connaît son métier. Des vendeurs qui présentent leurs coups de cœur et qui touchent surtout la jeunesse, surtout avec la présence de nombreux lycées dans les environs. Les nouvelles générations, contrairement aux rumeurs, sont en grande demande de lecture. On vient aussi chez nous pour les nouveautés en matière de papeterie. C’est devenu un lieu de destination.

Est-ce un métier particulier de vendre des livres ?

Mon père était déjà dans la papeterie. J’ai découvert ce milieu des libraires qui est un métier de commerçants qui ne parlent pas de prix. C’est extraordinaire. Pour une fois, on ne parle pas de prix. On parle du contenu, de l’histoire de l’auteur, de l’histoire qu’il décrit, de vos sentiments. Je n’ai jamais connu ça jusqu’à présent, pour une raison simple : la loi Lang. Elle donne un prix unique au livre en France. La seule possibilité est de donner 5 % de remise à la clientèle. Que la personne en achète un ou mille, le prix reste le même par livre. On a la chance qu’en France cette loi va être aménagée par un vote au parlement en septembre. Cela, par une nouvelle loi qui spécifie que les concurrents comme Amazon qui fait les 5 % mais qui offre les frais de port, se trouvant donc en situation déloyale, devra à partir de septembre les facturer. Ce qui signifie qu’un livre acheté sur le net sera plus cher qu’en librairie. Ce qui va rééquilibrer les choses.

Quels sont les livres récents pour lesquels vous avez eu un coup de cœur ?

L’invention de nos vies de Karine Tuil, évidemment. Au revoir là-haut, le livre de Pierre Lemaitre qui a obtenu le Goncourt 2013. En général, les livres qui reçoivent ce prix me donnent envie d’abandonner après 40 pages. Dans le cas présent, ce livre, qui évoque la fin de la guerre 14-18 et le dénuement des poilus à leur retour m’a beaucoup touché. J’ai adoré les deux derniers livres de Yasmina Khadra. Le premier sur ce boxeur qui s’est brûlé les ailes et l’autre sur son expérience politique en Algérie. Un auteur étonnant, d’une grande sincérité dans sa démarche. Nous avons eu le plaisir de l’accueillir régulièrement à la librairie. De même pour Francis Huster, Katherine Pancol…

Librairie Lamartine, 118 rue de la Pompe, 75016 Paris.