La commémoration de l’attentat de Pittsburg  |  Israël terre de tourisme !  |  Le monde change. L’Arche aussi. L’édito de Paule-Henriette Lévy  | 
Israël

Se souvenir

Ce lundi matin à onze heures, l’Etat hébreu s’est figé l’espace de deux minutes. Dans tout le pays, les sirènes ont retenti ; les Israéliens ont cessé toute activité, se levant en silence. Yom HaZikaron, Le Jour du Souvenir, parents, amis, voisins, ou simples citoyens, se plongent dans le deuil des victimes tombées pour Israël, la douleur au cœur plus ou moins profonde. Dès la veille, les cérémonies se succèdent ; intimes, dans les cimetières, les municipalités, les écoles, ou imposantes, au Mur du Temple avec Shimon Peres, ou encore place Rabin à Tel-Aviv.

Le jour le plus triste du calendrier israélien est toujours suivi de l’un des plus gais, le Jour de l’Indépendance. Mais jusqu’à la tombée de la nuit, les drapeaux restent en berne. L’Etat avait initialement instauré le Jour du Souvenir pour commémorer les soldats morts pour la patrie ; par la suite, le gouvernement a étendu la cérémonie au souvenir de toutes les personnes disparues pour l’Etat d’Israël depuis 1945, victimes des guerres ou d’attaques motivées par la haine, tuées parce qu’Israéliennes ou juives.

C’est avec des mots, mais aussi avec des chants, de la musique et des poèmes que l’on se souvient des victimes, souvent disparues trop jeunes. Sur les estrades, des voix emplies d’émotions tirent les larmes aux plus durs, en soufflant des cantates. La tradition, lors de Yom HaZikaron, d’accompagner la mémoire des disparus en musique, remonte à la veille de la création d’Israël, à l’époque du Palmach.

Lorsque l’un de leurs camarades décédait sur le front, les jeunes combattants, le soir, s’asseyaient autour d’un feu de camp et composaient un air à sa mémoire. L’hymne racontait la fin, la vie, la personnalité du défunt. L’un des célèbres morceaux dans cette veine fut écrit par le poète, écrivain et chansonnier israélien Haim Hefer, disparu en 2012 et combattant du Palmach dans sa jeunesse. La chanson « Doudou » (diminutif de David), reprise notamment par Arik Einstein, mêle la tendresse, l’espoir et la peine.

Mais la poésie ne constitue pas la seule note flottant au-dessus de toutes les cérémonies. Certains citoyens utilisent cette occasion afin d’affirmer leurs points de vue politiques. Au parc des expositions de la métropole économique, un « Jour du Souvenir alternatif » a pris place, la veille au soir. Israéliens, juifs ou arabes, et Palestiniens, se sont retrouvés afin d’affirmer leur volonté de voir cesser le conflit. « Nous pouvons faire quelque chose pour mettre fin à ces hécatombes et nous diriger vers la paix » affirme Oded, étudiant de 28 ans. Il poursuit : « Les victimes n’appartiennent pas uniquement au peuple juif ». L’événement, organisé par le mouvement « Les Combattants pour la paix », cofondé par des Israéliens et des Palestiniens, a rassemblé près de 4000 personnes. L’assemblée a pu entendre des témoignages d’Israéliens et de Palestiniens qui, après s’être investis dans le combat armé, ont opté pour la voie du dialogue.

Aux portes du grand hall, une poignée de manifestants s’est regroupée. Les protestataires s’insurgent de la comparaison établie entre les victimes arabes et les victimes juives, mises sur le même plan. « Nos soldats nous protègent, eux sont des terroristes », défend Liran, 25 ans, brandissant un grand drapeau à l’étoile de David. «  Les chefs palestiniens désirent nous anéantir », surenchérit-il.

Placé sous le signe du recueillement, Yom HaZikaron a entre autres pour vocation de rappeler l’unité du peuple face à l’adversité. Les divisions idéologiques et politiques semblent pourtant prendre le dessus aux extrêmes, rendant la mission difficile.