Deux jours après l’effroyable attentat antisémite au Musée Juif, Nicolas Zomersztajn, le rédacteur en chef de Regards, la revue juive de Belgique, partage ses inquiétudes.
L’Arche : Quelques jours après cette tuerie, quel est le sentiment général que vous observez à Bruxelles ?
Nicolas Zomersztajn : Les gens sont sous le choc. Ce genre d’événement vient rompre la quiétude dans laquelle la communauté juive vit. Les derniers attentats dates de la fin des années 80. En dépit des différentes manifestations d’antisémitisme qu’on a vu à l’époque et jusqu’à aujourd’hui, cela n’avait jamais atteint ce niveau. Puisqu’on a retrouvé ce qu’on avait vu chez vous en France, avec la tuerie de Mohamed Merah. Nous étions tous sous le choc samedi. Il y a eu une mobilisation des gens pour organiser un recueillement devant le musée.
Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, était par hasard à quelques pas de là et a vu les corps avant d’appeler la police.
Très rapidement, les responsables politiques se sont rendu sur les lieux du crime afin de témoigner de leur solidarité. Le lendemain, la quasi-totalité de la classe politique était présente.
Il y a donc une volonté politique très forte de prise en compte de l’événement ?
Sans aucun doute. Il n’y a pas de discussion possible là-dessus.
D’autant plus que Bruxelles est une ville où cohabitent de manière pacifique des populations d’origines très diverses.
C’est ce qui choque aussi le monde politique bruxellois. Ils se sentent attaqués, à travers ce meurtre, dans l’image que la ville véhicule. Un lieu marqué par la diversité où les différentes communautés oeuvrent pour entretenir de bonnes relations. Une image d’une ville ouverte, tolérante, qui n’a jamais été marquée par des conflits entre les communautés.
Un dirigeant de la communauté juive a déclaré que plus que les juifs, c’est la Belgique entière qui est visée.
Lorsqu’on s’attaque de cette manière aux juifs, cela a une signification particulière, mais derrière effectivement on s’en prend à la démocratie et à la volonté de vivre ensemble.
Quelques heures plus tard, deux jeunes sont attaqués avec une grande violence à Créteil.
C’est d’autant plus troublant. De plus, qu’il n’y pas encore eu d’arrestation concernant l’auteur du crime bruxellois ou ceux de l’attaque de Créteil. Il faut absolument que l’auteur de cette fusillade soit arrêté le plus vite possible. Les images diffusées par la police sont troublantes. On y voit le tueur agir de sang froid, sans précipitation. Il sort son arme calmement, tire et part à pied sans paniquer.
Ce n’est donc pas en voiture comme cela a été dit au début ?
Non. Ce vieux quartier du cœur de Bruxelles est fait de petites rues, d’où il est assez facile de partir sans être suivi.
Des mesures extraordinaires de sécurité s’appliquent donc auprès des bâtiments communautaires ?
Cela, dès le lendemain. Au CCLJ, par exemple, deux policiers armés de mitraillettes gardent les lieux, en plus de notre propre service de sécurité qui a toujours été présent. C’est probablement une des raisons déterminant l’attaque du musée juif : l’absence d’un service de sécurité. Des gardes sont présents à l’entrée des centres communautaires, écoles et synagogues, mais pas au musée. La préméditation de l’attentat est donc quasi certaine. La communauté juive manifeste clairement sa volonté de ne pas baisser les bras. Le message est que nous sommes ici en Belgique et qu’on ne va pas se cacher. Que l’on va continuer à maintenir la vie juive en Belgique, où l’on a toujours vécu. Même si cela nécessite des mesures de sécurité supplémentaires. On ne va pas interrompre nos activités, ce serait leur faire un trop beau cadeau.