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Le Billet de Frédéric Encel

Quatre générations de l’islamisme radical

De l’Afghanistan au GIA et d’Al Qaïda aux nouveaux électrons libres.

L’islamisme radical, cette tentative d’imposer une interprétation ultra rigoriste et violente d’un islam politique, a connu ces dernières décennies quatre phases principales.

La première naît dans les années 1980 en Afghanistan. Des milliers d’Afghans, majoritairement pachtounes, luttent alors contre l’armée soviétique dans cette sale guerre qui contribuera tant à l’effondrement de l’empire communiste. Parmi ces combattants, les moudjahidin (ou soldats du djihad) de Gulbuddin Heykmatyar s’illustrent par leur détermination face à « la satanique armée athée » ; pour la première fois au XXe siècle, le monde occidental découvre des images de combattants invoquant constamment la guerre sainte, arborant barbes, chèches et turbans, et scandant des slogans tirés de versets du Coran. Avec le soutien de l’administration Reagan – qui les considère comme des « good guys » luttant contre « l’empire du mal » – ils seront vainqueurs de la surpuissante armée rouge. C’est aussi l’époque où la République islamique d’Iran créée en 1979 – bien qu’ennemie puisque chiite – marque un tournant perçu par ces rebelles comme plein de promesses. Les moudjahidin essaiment assez peu mais, auréolés de leur prestige, fournissent tout de même à la fois un modèle et une expérience du feu pour d’autres islamistes, en particulier les Algériens.

Car la deuxième vague islamiste, ce sont les GIA qui, entre 1992 et 1999, mènent une guérilla urbaine et périurbaine acharnée contre l’armée algérienne mais aussi contre une partie de la population civile. Ces groupes islamistes armés, exclusivement arabes, se composent de militants du Front islamique du salut (FIS) radicalisés après l’interruption du processus électoral qui menait celui-ci tout droit au pouvoir (1992), et tentent d’étendre leurs actions terroristes aux États censés soutenir Alger, à commencer par la France. Ainsi détournent-ils un avion de ligne (Marseille, 1994) et abattent des ressortissants français où ils le peuvent. Finalement, ils échouent à renverser le pouvoir algérien dont la répression aveugle n’a rien à envier leurs propres exactions…

La troisième génération des islamistes radicaux, la plus connue et la plus meurtrière à ce jour, est aussi la plus universelle. Elle provient essentiellement d’Al Qaïda, nébuleuse internationalisée fondée au Soudan en 1998 par des Arabes – dont le saoudo-yéménite Oussama ben Laden – ayant pour vocation « la lutte contre les Juifs et les croisés [entendre : les chrétiens] ». Le QG d’Al Qaïda s’installe en Afghanistan puis au Pakistan pour des raisons liées à une géographie accidentée et montagneuse favorable à la dissimulation, ainsi qu’à un environnement ultra-conservateur (les Pachtounes, encore). C’est de cette zone AfPak que la décision et l’ordre de frapper le sol américain est prise.

Mais lorsqu’en riposte au 11-Septembre, la coalition de l’OTAN intervient et déloge le régime taliban protecteur d’Al Qaïda, cette dernière se retranche au Pakistan voisin et se disperse – en structure très souple – dans tout le Moyen-Orient. Grâce au caractère spectaculaire et anti-occidental de ses attentats suicide (New York, Bali, Londres, etc.), Al Qaïda parvient à essaimer en recrutant des milliers de jeunes à travers le monde musulman et fonctionne à la manière d’une franchise ; parfois, un terroriste frappe « localement » en s’en réclamant, attirant ainsi immédiatement les feux médiatiques.

Quant au réseau, il acquiesce ou se tait afin de laisser croire qu’il demeure présent partout ! Al Qaïda a échoué dans ses objectifs originels – notamment la prise du pouvoir en Arabie saoudite pour le pétrole et au Pakistan pour la bombe – et s’est fait abattre par les Américains son chef historique. D’où un repli au Sahel, front secondaire et peu stratégique où il a subi de lourdes pertes, en particulier au Mali face à l’armée française. En revanche, le Syrie et l’Irak en déconfiture représentent des théâtres d’opérations de plus en plus victorieux. On ajoutera que les terroristes d’Al Qaïda ont assassiné un nombre bien plus important de musulmans (et notamment de chiites) que de non musulmans, haineux qu’ils sont des koufar, des renégats, au sein même de l’Oumma, la communauté des croyants.

Enfin la quatrième génération d’islamistes radicaux, à peine montante et hélas « prometteuse », est certes internationalisée mais constituée d’électrons libres cette fois, ressortissants des pays occidentaux dans lesquels ils tuent seuls ou presque. Pays-Bas, Belgique, Grande-Bretagne et surtout France ; ces États sont d’autant plus vulnérables que leur système démocratique avancé leur impose de respecter de strictes règles sécuritaires et judiciaires dont s’exonèrent allègrement les dictatures.

Jeunes désœuvrés, convertis par des prêches fanatiques diffusés sur internet, et/ou attirés par le djihad en Syrie, ces nouveaux islamistes radicaux incarnent une menace redoutable pour les services de renseignement occidentaux. N’en déplaise aux idiots utiles de l’islamisme radical, en France notamment, la complaisance – tout comme l’amalgame – n’est pas de mise. À la manière d’autres fléaux totalitaires, l’islamisme radical – dévoiement barbare et nihiliste de l’islam – doit être combattu et vaincu. C’est ce à quoi s’emploient déjà, à travers le monde, la plupart des peuples et États musulmans eux-mêmes…