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Et vous, en avez-vous ?

Le rire fait tomber les barrières, mais il faut parfois faire tomber les barrières pour partager les rires. C’est le projet audacieux du metteur en scène Fabrice Scott de partager l’oeuvre de l’immense auteur anglais Alan Ayckbourn. La pièce « Les Bonnes manières » est actuellement présentée à La Manufacture des Abbesses. Rencontre avec le metteur en scène.

L’Arche : Relations complexes, amours avoués et inavouables, cette pièce est-elle un défi aux actes manqués ?
Fabrice Scott : Sans doute oui. Il est vrai que le personnage de Norman pousse chacun dans ses retranchements jusqu’à exposer les désirs de sorte que les actes ne puissent plus être manqués, ils doivent être assumés. C’est tout l’intérêt pour une société très formée comme la société anglaise de cette époque, qui a dû produire le mouvement Punk pour pouvoir respirer. On pourrait presque dire que cette pièce, avec ses atours bourgeois, est une pièce pré-Punk.

Pensez-vous que notre époque facilite la libération et l’expression des sentiments ?
Pas autant qu’on le prétend. Je pense qu’au-delà d’une certaine mode ou plutôt un certain désir d’émotions, d’instinct et de créativité individuelle, toutes les émotions, toutes les réactions émotives ne sont pas les bienvenues. Nous n’assumons pas encore nos désirs de liberté car ils remettent en question notre modèle social, et que celui-ci est ressenti comme étant notre dernier rempart face au vide, voir au chaos. Nous avons peur, donc nous avons des tabous. Nous manquons de repères donc nous avons peur d’avancer, on tâtonne, on hésite et on se retient.

D’où est venue l’idée de la jouer en France ? Et comment se fait-il qu’il s’agit d’une première pour cet auteur ?
L’idée de la jouer en France vient précisément du fait que ça n’avait jamais été fait auparavant. Frédérique Nahmani, la productrice, a découvert cette pièce quand elle a été montée par le théâtre « The Old Vic » à Londres, puis reprise à Broadway, toujours dans sa version longue, c’est à dire en pouvant voir les trois pièces de la trilogie qui s’appelle : « The Norman Conquests », et dont « Table Manners » n’est que le premier volet. Frédérique fut tellement enthousiasmée par cette production, qu’elle décida de tout faire pour partager cette expérience avec le publique français. La première pièce est montée, il ne manque plus que les deux autres! Ayckbourne reste un auteur difficile pour les français. Il s’inscrit pleinement dans les problématiques typiques de la société anglaise, tout se joue entre les lignes, les français sont à priori plus libres sexuellement, etc.. Alain Resnais s’est essayé à transposer Ayckbourn au cinéma, cela s’est avéré je pense assez délicat pour ce qui est du grand publique en France. L’exercice est disons, périlleux.

Comment le metteur en scène s’y est-il pris pour adapter le texte ?
Je n’ai pas adapté le texte. Je l’ai laissé tel qu’il a été traduit par Dominique Hollier. Donc j’ai assumé le fait qu’il s’agissait d’anglais, dans l’Angleterre du début des années 70.  On a laissé les prénoms des personnages, les noms de villes, etc.. Un peu comme lorsqu’on se contente de doubler une série ou un film américain: Le publique s’adapte et se transpose tout seul dans l’autre société même s’il n’en perçoit pas toutes les subtilités. Le but étant de laisser le côté universel de désirs primordiaux, frustrés par des tabous sociaux commun entre nos sociétés somme toutes, toucher un publique qui a encore et toujours besoin de rire un peu pour secouer ses chaines.

« Les Bonnes manières » d’Alan Ayckbourn. Mis en scène par Fabrice Scott. Avec : Isabelle Duperray, Anthony Le Foll, Daniel Lundh, Frédérique Nahmani et Aude Saintier.
Le mardi 7 octobre à 18h15 à La Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris. Tél : 01 42 33 42 03.